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Le francoprovençal est une belle langue. Bien que ne la parlant pas , ne la comprenant pas, je reste sensible à sa musicalité lorsque les -trop rares- occasions de l'entendre se présentent. Cette langue, vulgairement surnommée patois, parlée par mes grand-parents, m'a bercée durant mon enfance. C'est pourquoi j'ai envie de la mettre à l'honneur sur ce blog. Je mettrais en ligne petit à petit les textes qu'écrivit mon grand-père Donat et que vous connaissez déjà pour les avoir lu en français.
Histoires maintes fois racontées et publiées dans la Revue Dava Rossan-na en français et en patois sous le nom d'auteur Dona Revène – Le Marmotïn – Moulïn - Péjèy

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mardi 18 décembre 2018

Alpinisme à Peisey



Lorsque l’alpinisme se développa en France, dans les années qui suivirent la défaite de 1870, la Compagnie des Guides de Chamonix et celle de Cauterets dans les Pyrénées étaient les seules à exister et à s’administrer elles-mêmes. Pour les autres massifs, il fallut attendre les interventions du Club Alpin Français (CAF) et de la Société des Touristes du Dauphiné (STD), créées en 1874 et 1875. La section de Tarentaise du CAF, fondée elle aussi en 1875, ne fut pas en retard puisque, l’année suivante, elle établissait une première liste de montagnards susceptibles d’emmener des voyageurs ; elle en diplôma quelques-uns dont elle garantissait l’aptitude et installa un bureau des guides à Pralognan (Revue « la Montagne », n°174, juillet-septembre 1924, p253). En 1881, cette section élabora un règlement pour les guides, porteurs et muletiers et donna les noms de onze guides diplômés et de dix-sept autres «qui n’avaient qu’à faire leurs preuves pour être recommandés. »

Ce règlement comprend vingt-deux articles qui concernent les guides et porteurs plus un vingt-troisième pour les muletiers. L’article 1 est le suivant : « Il est institué une compagnie des guides spéciale pour la Tarentaise. Leur nomination et leur reconnaissance sont faites par la directionde la section de Tarentaise du Club Alpin Français. Les membres de cette section sont chargés de veiller à l’exacte observation du règlement dans leur circonscription. » Il apparaît clairement dans ce texte qu’il ne s’agit pas de constituer ou de favoriser la création d’une compagnie autonome, mais de mettre en place un réseau de guides à la disposition de la section au sein de laquelle ceux-ci ne sont d’ailleurs pas représentés.
Pour devenir professionnel il faut avoir au moins 21 ans et être natif de la Tarentaise, des vallées de Beaufort ou de Flumet, être doté d’une constitution robuste, jouir de ses droits civils, civiques et politiques, savoir lire et écrire, connaître les noms des cols et des sommités de la vallée et avoir déjà fait des excursions ou des ascensions. Les guides doivent tenir un livret paginé par la section et posséder un piolet agréé par l’administration du canton.

Un tarif concerna les principales courses du secteur est fourni, les guides et porteurs ne doivent rien exiger au-delà des prix fixés. La journée est à six francs, la demi-journée à trois ; ces sommes sont versées à l’occasion des marches d’approche ou de retour ; l’ascension elle-même donne lieu à une rétribution supplémentaire qui varie en fonction de la durée et de la difficulté de la course. Ainsi il est demandé six francs de plus pour l’ascension du Petit-Mont6Blanc, quinze pour l’Aiguille de Polset ou le Dôme de Chasseforêt, et vingt francs pour la Grande Casse ; pour cette dernière, le nombre de guides est règlementé en fonction du nombre de personnes accompagnées.
En 1905, le CAF publie un nouveau règlement dans l’esprit du précédent. Il fait des recommandations parfois amusantes : « Les guides et porteurs ne peuvent fumer sans la permission des voyageurs ; il leur est formellement interdit de se faire accompagner par des chiens pendant la course, d’emporter des fusils... » ou, précisions beaucoup plus importantes : »Les guides doivent obéir aux ordres des voyageurs pourvu qu’ils ne soient pas contraires aux règles de la prudence. Dans les lieux ou circonstances difficiles, les guides assumeront la direction absolue de la caravane. »

A la même époque, le CAF décida d’inclure ses guides de Tarentaise dans le système d’entraide et de protection qu’il avait créé à l’intérieur de tous les massifs français. Ces secours n’étant pas toujours suffisants, en 1934, les Pralognanais s’unirent pour organiser une caisse complémentaire alimentée de leurs propres deniers. Elle s’appela « Société de Secours mutuels des Gides et Porteurs de Pralognan la Vanoise ». L’article huit indique : « La société devra payer à ses adhérents malades ou accidentés 20 % de leurs frais médicaux ou pharmaceutiques ainsi qu’une indemenité journalière fixée à trente francs ».

Cette initiative privée des guides de Pralognan ne fut pas la seule qu’ils entreprirent à côté de toutes celles qui avaient été instituées par le CAF. Bien que leur organisation professionnelle, totalement dépendante de la section de Moûtiers, continuât à fonctionner jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, à une reprise au moins, en 1913, exista aussi dans cette vallée du Doron un « Syndicat des Guides et Muletiers » indépendant ; il s’éleva notamment contre le lieu d’implantation que préconisait Helbronner pour le refuge de Péclet-Polset.

En ce qui concerne les effectifs, en 1906, il y avait onze guides et porteurs à Pralognan : un Vion, des Favre et des Amiez ; quatre au Planay : des Gromiers, Favre et Mermoz ; à Peisey ils étaient deux : Roux et Canfin ; à Vald’Isère ils étaient six : trois Mangard et trois Rond ; à Champagny ils étaient deux : Tavel et Ruffier6lanche ; on trouvait encore deux guides à Brides les Bains : Blanc-Tailleur et Frayssard. EN 1937, la liste publiée par le CAF comprend quatre-vingt-six noms pour la Tarentaise dont vingt-huit pour Pralognan, seize pour Val d’Isère, neuf pour Peisey, neuf pour Tignes, neuf pour Saint-Bon et deux pour Le Planay ; parmi ceux-ci trente et un sont skieurs brevetés.

Tout au nord du massif de la Vanoise, c’est entre les vallées de Tignes et Peisey-Nancroix que le Mont-Pourri (3780m) se détache dans le ciel. Étincelant de blancheur, dominant et fier, il compense par sa beauté la laideur de son nom. Jusqu’à la fin du XIXème les gens de Bourg Saint Maurice l’appelaient volontiers « Mont Thuria » (Toponyme probablement issu d’une racine « Tur », infiniment respectable, vieille relique des langues anciennes, dont on se servit longtemps dans les Alpes pour nommer les hauteurs) tandis que ceux de Peisey le nommaient tout simplement « La Pointe », la cime par excellence, la leur, celles qu’ils pensaient impossible à gravir. Ils avaient bien entendu dire que des Chamoniards y étaient parvenus, mais somme toute ils n’en avaient pas été témoins. (Première ascension en 1862 par Michel Croz)

Quel que fut le choix qui avait prévalu pour baptiser le plus haut sommet de leur pays, les Peiserots et leurs voisins furent toujours de bons montagnards. Ils le montraient en se rendant aux foires et aux pélerinages par les cols du Palet et de la Chiaupe et même par le Grand Col, à près de 3000m, où ils devaient passer sur un glacier. (En particulier le 16 juillet où depuis des temps immémauriaux, Peisey reçoit des centaines de pélerins venus de tous les environs prier lea Vierge de Notre-Dame des Vernettes).

CANFIN
Il est cité parmi les effectifs du CAF en 1906 à Peisey

COUTIN Maurice : (instituteur et maire à Peisey-Nancroix)

En 1962, le bureau des guides de Pralognan qui comprenait à la fois des guides privés et des guides du centre UNCM (ancêtre de l’UCPA) installé à Pralognan, se donna pour président un « battant » : Angelo Marchesi. Ce guide, que tous surnommaient « Pirate », comprit la nécessité de créer une compagnie regroupant l’ensemble des guides du massif. A la suite de multiples contacts entre Tarins et Mauriennais, en particulier en envoyant des délégations aux différentes fêtes des guides, un regroupement se fit et donna naissance à la Compagnie des Guides de la Vanoise. Ses statuts furent déposés le 2 juillet 1966 à la sous-préfecture d’Alberville, par son président Maurice Coutin (1966-1968), de Peisey-Nancroix, homme d’expérience ayant réalisé de très grandes courses. Les vice-présidents furent Albert Favre de pralognan, Sylvain Mattis de Val d’Isère et Henri Filliol de Lanslevillard. Le siège social fut fixé à Bourg Saint Maurice ; la compagnie comptait alors une soixantaine de membres répartis dans tous lescentres montagnards importtants de Tarentaise, de Maurienne et du Beaufortin.

POCCARD-CHAPUIS Joseph, Michel (1814-1892) dit « le Père Poccard »

C’est en 1873, alors que Peisey vivait de son activité agricole et l’exploitation hivernale de ses mines de plomb argentifère, que se produisit un fait inattendu : un des leurs, Joseph, Michel Poccard-Chapuis, dit plus familièrement » le Père Poccard », berger, ancien mineur, âgé de cinquante-neuf ans, entreprit seul l’ascension du Mont Pourri.

Parti de Peisey, il remonta la vallée du Ponturin jusqu’aux pâturages des Platières. Laissant à sa droite le glacier du même nom puis celui de Carroz, il rejoignit le contrefort ouest-sud-ouest qu’il remonta en obliquant peu à peu vers l’est. Par un gigantesque escalier où la roche de qualité alterne avec des bancs désagrégés, il franchit de longues dalles, toute une série de murs verticaux et atteignit l’arête à l’Épaule. Là, le Pourri baisse sa garde. Dans un ultime effort, Poccard remonta la dernière pente neigeuse et comprit tout à coup qu’il venait de réussir.

Quelles purent être les motivations de cet homme déjà âgé pour se lancer dans une telle aventure ? Pensait-il pouvoir y trouver une activité lucrative ? Il ne semble pas : il lui aurait fallu une singulière intuition sur ce que serait son avenir… Cette ascension répondit de toute évidence à un profond désir, médité delongues années dans les galeries obscures de la mine, de gravir cette cime qui exerçait sur lui un irrésistible attrait.

L’exploit ne passa pas inaperçu puisque, en 1876, des membres de la section tarine du CAF gravissent le Mont Pourri sous la conduite de Poccard ; aux Moûtiérains se sont joints les deux Mangard et deux Favre de Peisey (Ferdinand et Claude-Maurice). L’ascension emprunte la voie ouverte par le maître des lieux, celle que l’on nommera désormais « le Chemin Poccard ».
Dans les année qui suivirent, la notoriété aidant, il reprit souvent la route du Pourri. Combien de voyageurs eurent la joie d’en découvrir le sommet avec lui ? Nous ne le savons pas. Dans le brouillard de l’oubli s’est effacée l’image de cet homme qui ressentit un jour le désir fou de monter « là-haut » et le réalisa.

ROUX Jean :

Né le 9 octobre 1864 à Valezan sur Bellentre, il est le fils de François Roux (†1866) et Félicité Sylvestre (1836 – 1901). Il se marie le 27 octobre 1874, à Bellentre, avec Albine Bibiane Ducloz (°1875). Installé à Peisey-nancroix comme Maréchal-ferrand et forgeron, le couple aura 6 enfants : mathilde, Lucien, Justin, Marie Aline et Joséphine. Il est cité parmi les effectifs du CAF en 1906 à Peisey. Il décède au hameau de plan-peisey, le 19 octobre 1936. Sur la façade de la maison familiale au hameau de Moulin, une plaque est opposée sur laquelle nous pouvons lire : Jean Roux, 1864-1936, 1er guide de haute Montagne de Peisey-nancroix.


Ascension de quelques sommets de Peisey :

Jean-Maurice (1829-1928) et Victor Mangard(1850-1912) furent les premiers guides de La Val de Tignes, l’actuel Val d’Isère. « guides par accident et chasseurs de chamois par profession, excessivement solides sur la neige, admirables d’énergie et de dévouement… agiles comme des chamois, guides parfaits auxquels on peut confier sa vie et que je placerais au premier rang si leur éducation de guide était unpeu plus complète. Voilà ce que sont les deux mangard du fornet, ou du moins ce qu’ils m’ont paru être, et je pense ne pas m’être trompé » disait d’eux, vers 1882, Arnollet de Moutiers ;

Cette sûreté sur la glace et le roc n’étant pas inné, ils l’avaient acquise en multipliant les ascensions. C’est ainsi qu’en 1876, ils gravirent seuls le Mont Pourri (3780m) réalisant la cinquième ascension. Il n’est pas interdit de penser qu’ils le firent pour le plaisir, mais aussi pour reconnaître les voies qui conduisent à ce sommet dont ils furent, avec le « Père Poccard » de Peisey, les spécialistes. Pratiquement toutes les cimes qui culminent en Haute-Tarentaise furent gravies par les Mangard et leur clients. En 1880, Victor avec le Greffier et E. Rochat réussirent la première de la difficile traversée du Dôme de la Sache, l’arête sud du Pourri et la face nord du Mont Thuria. A cette époque, cette course aérienne était considérée comme de premier ordre.

Croz Michel (1830-1865) appelé le « Prince des Guides ». Grand caractère, toujours heureux à plus de 3000m, il était originaire du Tour et fut découvert par l’Anglais W. Mathews. Montagnard passionné, il fut admiré et préféré par tous les alpinistes qui l’approchèrent. Sa courte existence partagée entre les courses et le travail des champs fut bien remplie. En 1862, il fit la première ascension du Mont Pourri à Peisey.

Source : (extrait du livre Mémoires d’En Haut – Histoire des Guides de Montagnes des Alpes Françaises, Paul-Louis ROUSSET, Jacques de Leymarie, autoédition, 1995)