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Le francoprovençal est une belle langue. Bien que ne la parlant pas , ne la comprenant pas, je reste sensible à sa musicalité lorsque les -trop rares- occasions de l'entendre se présentent. Cette langue, vulgairement surnommée patois, parlée par mes grand-parents, m'a bercée durant mon enfance. C'est pourquoi j'ai envie de la mettre à l'honneur sur ce blog. Je mettrais en ligne petit à petit les textes qu'écrivit mon grand-père Donat et que vous connaissez déjà pour les avoir lu en français.
Histoires maintes fois racontées et publiées dans la Revue Dava Rossan-na en français et en patois sous le nom d'auteur Dona Revène – Le Marmotïn – Moulïn - Péjèy

Retrouvez-les dans les archives 2015-décembre

jeudi 21 juillet 2011

La maison à l’arche - Moulin

La maison, choisie pour sa beauté et sa belle taille par le couple Orgeolet, bien que peu ensoleillée, est ouverte sur la ruelle qui était autrefois l’unique route de Landry à Peisey, suivant à peu près le cours du torrent.

Elle présente 2 corps : l’habitation donnant sur un jardin, et une grange qui lui est perpendiculaire, construite sur une cour large et profonde, ouverte par une belle arche, caractéristique de cette grande maison. Cette cour pavée, qui est l’entrée commune aux gens et aux bêtes, protège une circulation de la pluie et de la neige.

Historique

Des Informations écrites n’ont pu être retrouvées qu’à partir du début du 19e siècle.
La tradition orale, recueillie auprès des voisins et de M. et Mme Donat Silvin, dit que cette maison aurait été la première du village au 13e ou 14e siècle.
Habitée par des religieux ?
Des religieux auraient habité la maison…S’agirait-il de la confrérie du Saint-Esprit, fondée à Peisey en 1504 ?...
Ce serait peut-être l’explication du décor retrouvé dans plusieurs pièces. La cuisine avec son plafond céleste, était-elle une chapelle ?
Dans l’actuelle cuisine, le plafond en plâtre presque tombé, montrait des restes sur un fond bleu lavande, de petits anges joufflus aux quatre coins et un probable « Père éternel » sur un nuage au centre.
La cheminée du salon avait été ornée de sculptures en plâtre qui n’ont pu être reconstituées.

Une auberge sous Napoléon 1er                                                                                                                                                                                                                                                                      

Elle aurait été une auberge, servant de relais aux élèves et aux visiteurs  de la première école des mines de France, créée par napoléon 1er en 1802 et qui a fonctionné jusqu’en 1815. La maison semble avoir été équipée pour cela.
La cour et l’écurie permettaient de loger des chevaux.
Il fut retrouvé un fumoir à viandes  et un puisard avec de l’eau fraiche.
La cave a la réputation d’être la meilleure cave pour « l’élevage » du fromage, à cause de l’eau courante qui y passe.             

Le révérend père Thomas

Une célébrité locale est née dans la maison.
Plusieurs livres relatent les épisodes de la vie du Père Thomas et particulièrement celui écrit par les chanoines Joseph Lale- Deriez et Frédéric Poccard-Chapuis(Ed. Aoste 1937, imprimerie Marguerettaz).
Charles, Zéphirin, Ignace Tresallet est né en 1849 de Maurice, joseph Tresallet(1823-1885) et de Marie, Rosalie Jourdan(1821-1880) qui était sa cousine germaine. De cette union naquirent six enfants dont 3 garçons morts en bas âge.
L’ainé, Charles a vécu 84 ans, mort en 1933 à Châtillon, en Italie.
A cette époque, les prêtres recrutaient les jeunes garçons les plus doués et les dirigeaient vers le petit séminaire de Moutiers, puis le grand séminaire. A Peisey de nombreux jeunes ont été ainsi orientés vers les ordres.
Charles fut ordonné prêtre en 1874.
Après une carrière religieuse brillante, il devint capucin. Il prêcha dans différentes paroisses de Tarentaise et du Val d’Aoste.
Une plaque à sa mémoire se trouve au cimetière de Peisey

Suzanne Colin raconte une anecdote

« Quand, devenu capucin, le révérend Père Thomas partit pour l’Italie, il décida de ne rien emporter. Sur le chemin vers Landry, il trouva son couteau dans une poche. Alors il remonta à Moulin pour s’en délester, puis repartit »
La famille du père Thomas était de sa famille…
Son frère et sa sœur
Son frère Jean-Baptiste Trésallet (1853-1898), instituteur à l’école laïque de Montrigon, atteint d’épilepsie, vécut avec ses parents jusqu’à leurs morts puis placé par le capucin dans un asile à Grenoble, puis à Bassens où il mourut.
Sa sœur Marie Marguerite (1856-1887) est morte à 31 ans après un essai manqué de vie religieuse dans un couvent à Grenoble.
En 1898, le père thomas, seul survivant, obtient du Vatican de vendre tous ses biens.
Capucin : Religieux d’une branche réformée de l’ordre des frères mineurs crée au 16e s. C’est un moine qui porte une bure, la robe de son ordre, ainsi que la corde à nœuds et le grand capuchon rabattu sur le dos.

Acte de vente le 8 février 1899.

Charles, Zéphirin Trésallet, missionnaire capucin, demeurant à Meylan(isère) cède et vend avec toutes garanties la généralité de ses biens, immeubles et meubles sur le territoire de Peisey et Landry, sans exception et pour la somme de 4000F., aux sœurs Trésallet Marie et Victoire, filles de Trésallet Jean.
Le père Thomas distribuera les 4000F, apportés en liquide, à ses œuvres.
En 1907, Victoire cède sa part à sa sœur Marie et meurt en 1933.
Marie Poccard Chapuis a trois filles, Marie Catherine, Marie Alphonsine et Marie Célestine ,  qui vendent la maison au couple Orgeolet le 30 aout 1938, pour la somme de 20 000F.
IL semble  que de 1899 à 1938, la maison ait été louée en trois appartements :
- Le premier comprenait l’écurie à chèvres et la grande chambre, reliées par une échelle et la trappe.
- Le second, les trois pièces du bas
- Le troisième, les 3 petites chambres du premier étage.

  

La maison fut louée de 1899 à 1938
 

La maison dans son ensemble, était donc restée très longtemps sans entretien mais, à l’origine, elle avait été conçue avec un certain souci d’élégance et de décor que l’on                                                                                                                                                                      ne retrouve dans aucune autre maison du village.
Elle fut louée.
A la famille Bertholin,
A Joseph et Zoé Gaude et leur petite fille Marcelle. Mais c’était très humide, à cause de l’eau sous les planchers et ils n’y restèrent pas longtemps.
A des ouvriers qui travaillaient sur la route en construction vers Plan Peisey (de la croix des routes à l’embranchement de la route de la forge). Ulysse Poccard Marion se souvient les entendre taper et rire très fort : ils jouaient à « lamora », sorte de poker joué avec les dix doigts.

Faits divers

La famille Orgeolet commença par construire un w-c dans la cour, près de la porte sur la ruelle. La lessiveuse qu’on utilisait et  vidait au torrent et qu’on laissait propre fut un jour emportée par des soldats pour faire …la soupe.
Dès l’été 1938, les hommes ont bêché le jardin. Quand la terre fut remontée, un bachal mis en place, que tout fut ratissé, il fut semé des graines de gazon amenées de Paris.
La nouvelle se répandit : les parisiens avaient semé de… l’herbe !
Hélas, des bassines en cuivre, de grandes marmites, les gros édredons rouges de grand-mère recouverts de guipure blanche disparurent l’hiver suivant et Diane dut se fâcher.  Il fallut renforcer les portes et boucher les issues du bas et tout se passa bien.
De temps en temps les paysans battaient le blé dans la cour, et les enfants accouraient au bruit des fléaux.
Ulysse Gontharet  mit son foin dans la grange pendant des années, en échange de très bonnes tommes de vache
                        
Un trésor

Le temps s’enfuit. Maurice et Diane passèrent bien des vacances avec leurs amis et leurs 7 enfants. Ils rendirent d’année en année cette maison plus confortable. Et même ils y trouvèrent un trésor en 1978, alors que leurs enfants recrépissaient la cour.
Chantal Orgeolet nous fait part de cette anecdote trouvée dans le journal de bord de son père Maurice :

"La cour a été entièrement repeinte au crépi coloré blanc. C’est une œuvre faite à grands renfort de grande échelle, de "caches" sur tous les bois et de "crépinette"... Ces travaux ont eu une conséquence accessoire assez exceptionnelle; en "cachant" une poutre, contre le mur du fond de la cour, à un endroit où depuis 40 ans enfants et petits enfants ont constamment grimpés, Sylvie a découvert un "trésor".
Il manquait cela à l'histoire d'une si ancienne maison.
Dans trois bourses de cuir en bien mauvais état, des pièces de bronze et d'argent, de France, d'Italie et de Suisse pour un total nominal de 54 Francs. Le monitariste constate que l'Union Latine existait dans les faits avant 1905.
L'abandon de ce trésor date d'environ 1880."

Ces pièces ont longtemps été gardées dans la maison et je crois que ma sœur Sylvie les a récupérées par la suite.

Maurice disparut en 1993,  Diane mit bientôt la maison en vente, au grand regret de ses petits enfants. Mais il y avait encore beaucoup à réparer.
           
Extraits du livret écrit en 1993 par Maurice et Diane Orgeolet,
                      parisiens, propriétaires de 1938 à 1995

Actuellement
Cette maison, qui a une âme, fut acquise par : Catherine et Arnaud de la Hougue vacanciers de longue date à Peisey qui recherchaient une maison en 1995.
Il y a 15 ans, Arnaud et Catherine, qui cherchaient à s'installer de façon indépendante, en dehors de la famille de Catherine, à Peisey, ont eu la chance, par Annie Collin, d'apprendre qu'une maison à Moulin était mise en vente. Annie, au téléphone, décrit la maison.
C’est comme un rêve qui pourrait  prendre forme. La maison est grande, pleine de charme ; elle a une histoire. Histoire ancienne et histoire récente pour tous ceux qui ont eu la chance d'y partager de bons moments, des fêtes avec les enfants Orgeolet... nombreux sont ceux qui y ont des souvenirs de jeunesse.

Il faut faire vite, la visiter, car d'autres sont intéressés... nous annonçons notre intérêt pour cette maison de l'arche et grâce à Donat Sylvain qui fait "traîner" pour les visiteurs intéressés,  lorsque nous arrivons au début de l'été, elle n'est pas encore vendue ;  nous visitons, nous tombons sous le charme, la première visite est concluante et nous nous décidons sans grande hésitation...après simplement avoir sollicité avis de quelques proches, dont certains nous ont dit "si vous ne vous décidez pas, nous, on l'achète"...
C'est ainsi que tout c'est fait très vite et que nous avons pris la suite de la famille Orgeolet....grâce au charme de cette vieille et belle maison, grâce aussi à Donat, qui connaissait bien Catherine et avait peut être envie de choisir ses futurs presque voisins.

Mais l'histoire de cette maison est pleine de surprise. En effet, c'est surprenant, mais c'est  avec Monsieur  Orgeolet qu’ il y a 66 ou 67  ans, Arnaud, petit garçon, a passé  pour la première fois des vacances dans la vallée, à Nancroix.. C'est Monsieur Orgeolet, connaissance professionnelle du père d'Arnaud,  qui lui a suggéré ce lieu de vacances.   Arnaud connaît donc la vallée depuis plus longtemps que Catherine, même s'il y a passé  moins de vacances ;  Catherine vient en vacances à Peisey depuis 1965,  ses parents ayant décidé d'y construire un chalet, la Croix de l'Arche ("le Clair du sablon" comme disent joliment certains peiserots).  Depuis, tous les étés, tous les hivers, la famille y séjourne.
C'est pour Arnaud et Catherine un double,  ancien  et fort attachement à la vallée de Peisey.

Compromis de vente signé en été,  acquisition en novembre et première vacances dès le premier hiver... le bonheur ! La maison était confortable même si, très vite, nous avons envisagé quelques travaux et des aménagements. Les seules  toilettes étaient  dans l'atelier : il fallait donc sortir dans la cour couverte, mais cela ne posait aucun problème. La maison avait beaucoup de charme, la salle de douche, ouvrant sur la cuisine ne déplaisait pas, permettant la poursuite des discussions, débats, échanges, rires pendant  vaisselle et toilettes ou  la surveillance à la fois de la cuisine et du bain des enfants...

Bien sûr, dans la maison, les plus grands doivent être vigilants et baisser la tête en franchissant certaines portes, plus d’uns s'y sont cognés et en gardent le souvenir. Il a fallu, pour d'autres, les plus vieux ou moins alertes, faire attention à la raideur des escaliers. Tout cela  donne à  cette vielle maison, dont certains disent que ce fût un "couvent", un charme formidable, beaucoup de cachet...
Assez  rapidement  nous avons fait quelques travaux pour gagner de la place et un peu de confort ; en particulier nous avons transformé l'écurie à chèvres en duplex
Pendant ces 15 années,  nombreux sont ceux qui ont  séjourné, été comme hiver, enfants, petits enfants, famille, amis, la maison permettant d'accueillir agréablement petits et grands. Pour les enfants,  cette maison  c'est un peu l'aventure  avec la grange, l' atelier,  la cour couverte et les greniers, tout cela offre mille possibilités, un merveilleux terrain de découverte, d'exploration, même s'il pleut, pas de soucis, le terrain de jeux est vaste.
 S'il fait beau, c'est en balade, ou  dans la forêt, au bord des torrents et sur les rochers pour de l'escalade que chacun se régale et bien sûr, l'hiver, pas mal d'amateurs, que ce soit pour  ski de piste ou de fonds, aux Lanches, merveilleuse vallée.
Tous apprécient les paysages, la vie locale et les girolles, les rencontres au cœur de Moulin  et les soirées  et moments partagés dans cette fameuse grange qui a permit fêtes, réunions, soirées  et rassemblements festifs autour de buffets toujours gourmands et riches de ce que chacun  souhaitait cuisiner et faire découvrir aux autres
Cette maison a vécu, elle a une histoire, elle continue à vivre et l'histoire se poursuit ; actuellement c'est Héloïse, notre fille, qui s'y est installée ; elle y vit une partie de l'année  pour tenir "le planté du bâton" bar à Plan Peisey qu'elle a ouvert cet hiver
Donc, les années passent, la famille s'agrandit, les projets prennent forme et l'amour de chacun pour la Vallée, Peisey et tout particulièrement Moulin se renforce au fil du temps. La maison de l'Arche est devenue, très vite, pour nous tous, la maison de famille, et nous aimons, été comme hiver, y séjourner (même si le temps manque et si l'éloignement limite les séjours) nous aimons retrouver Peisey, Moulin et tous ceux qui y vivent ou y séjournent...
La maison est, certes, comme d'autres vieilles  maisons   alentours, sombre. L'essentiel était de se protéger du froid, l'épaisseur des murs en témoigne. Mais l'été, le jardin fait le bonheur de tous, les groseilles y poussent à merveille, le terrain est favorable, et tous les amis et parents proches, qui ont aussi choisi de résider, à titre secondaire, à Peisey que ce soit au village, au vieux Plan ou entre deux, aiment à s'y retrouver et partager, au grand soleil, des moments familiaux, amicaux,  gourmands et festifs.

C'est donc la maison de l'Arche, maison aux mille  bonheurs pour chacun de nous et nous comprenons que les enfants ou petits enfants Orgeolet, ou certains d'entre eux, aient un pincement au cœur lorsqu'ils revoient cette maison qui a été pour eux aussi une maison du bonheur, riche en souvenirs. Si le temps passe, si la roue tourne, la maison de l'arche demeure "maison bonheur"


Texte de Catherine et Arnaud de la Hougue
                          (02 juillet 2011)

Source association Les Habitants de Moulin 
Exposition été 2011

lundi 18 juillet 2011

Comment dire les mille visages de Peisey-Nancroix ?

Comment raconter ses quatre villages, le Villaret, Peisey, Moulin et Nancroix?
Comment le dire non dans la nostalgie d’un passé qui ne reviendra plus, mais dans l’exercice d’une mémoire vivante? Comment évoquer la physique, cet art « noir » que, selon certains, les Peiserots pratiquent encore (La physique ou l’art de jeter les sorts et de les lever) ?
 Donat Silvin nous raconte les métamorphoses des années soixante lorsque l’or blanc apporte à Peisey la prospérité et des soucis nouveaux (L’or blanc, Histoire de Peisey-Nancroix), puis, du haut des Essarts, « l’autre monde », il fait l’inventaire des montagnettes de Peisey (Les montagnettes*). Et aujourd’hui, voici venir le temps du tourisme et d’un avenir incertain (Le tourisme : quel avenir pour Peisey-Nancroix ?)

Avec Geneviève Gaufillet-Baudin, nous revenons sur les traces des premiers Peiserots partis au milieu du 19e siècle en direction de la capitale où ils vont exercer le métier de bronzier. Ces nouveaux Parisiens reviendront au village et ramèneront avec eux les premiers touristes et les idées étrangères (Peisey à Paris).
Les premiers ou plutôt les seconds, les vrais premiers, ce sont les « conquérants de l’inutile », ceux qui ont, nous raconte Bernard Richermoz, sur les traces du berger Pocard, gravi les premiers sommets (Sur les monts tout puissants)
Les Peiserots devenus comédiens nous font revivre les temps de l’École des mines, lorsque Monsieur Schreiber en était le directeur… (Les mines de plomb et d’argent)
Gaston Impérial décrit une autre mine où plusieurs Peiserots ont laissé leur peau. Pour extraire l’anthracite, on a fait venir à Peisey de la main d’œuvre immigrée qui ne s’est jamais mélangée à la population et qu’on a vite oubliée (La mine d’anthracite).
Donat, toujours lui, évoque la religion populaire, lors du pèlerinage des Vernettes qui témoigne chaque 16 juillet de sa vivacité (La religion populaire). Il discute avec Jean Luquet , le directeur des archives départementales de Savoie, à propos d’une affaire criminelle survenue à Peisey en 1761 (L’affaire est dans le sac).
Avec Guy et Jeannot, nous accompagnons les vaches de Nancroix sur les pentes du col de la Chiaupe. Attention au dérochoir, là où les vaches peuvent culbuter (dérocher en patois) ! Nous nous installerons en fin de matinée au chalet. Vivre la haut c’est « voir » le village avec d’autres yeux. Tout en haut est différent : les rythmes, les paysages, les pensées, les rêves… (Emmontagner à La Chiaupe).
L’élevage des chèvres est devenu aujourd’hui une activité rentable alors qu’autrefois il était le parent pauvre : un enfant du pays Samuel Silvin et un étranger… d’Annecy, Thierry Jung, nous font partager leur passion (Élever des chèvres aujourd’hui).
Guy Baudin et Michel Gontharet nous font comprendre les métamorphoses du travail du bois, la fin de la criée, la construction des rizes pour faire flotter les bois, le travail spécialisé des bergamasques qui s’y connaissaient en poulies… Guy nous fait une démonstration des deux manières d’écorcer un arbre à la hache (Le travail du bois).
Pour saisir l’unité de cette Savoie aujourd’hui éclatée en plusieurs pays, il faut passer de l’autre côté, dans le Val d’Aoste où la polyphonie est encore vivante : Si l’amour avait des racines, je crois bien que j’en planterais…  je crois bien, oui, oui, oui, je crois bien, non, non, non, je crois bien que j’en planterais… (Le jour des conscrits).
Saluons, au hasard de nos promenades, les dames de Peisey coinchées et cornettées et portant sur leurs épaules la fierté familiale (Le costume*), et arrêtons-nous pour parler la langue des dieux, (Tant que la langue vivra*), avec Alice, Marcelline, Donat et José (Peisey et Tignes : Donat, Marcelline et José…)
Et notre évocation de Peisey ne serait pas complète sans cette ballade avec mon voisin, Thierry, à la recherche de cette dame mystérieuse, la girolle… (Ballade aux girolles*)
La mémoire au présent s’invente une métamémoire qui explore l’autre côté du miroir pour nous parler de l’ancien futur, de ce temps qui viendra lorsque « la voie sera à nouveau ouverte ».
Et que la montagne nous garde !
* Les titres suivis d’une étoile figurent dans d’autres dvd (Pourtant que la montagne est belle, Tant que la langue vivra, dvd vendu avec Le trésor de la langue peiserote, Archives de Peisey-Nancroix (à paraître))

Michel Boccara , Juillet 2011
Un coffret de trois dvd comportant douze films
à paraitre en août 2011





lundi 4 juillet 2011

Notes pour la monographie de Peisey-Nancroix


Le nom de Peisey vient du mot romain « Pesetum », c'est à dire un lieu ou abondent les sapins rouges dits « épicéas ».
Nous trouvons la paroisse de la Trinité de Peisey mentionnée dans une lettre du Pape Eugène III en sa faveur ( 1145 ).
Parmi les liberarlités de Charlemagne en faveur du diocèse de Tarentaise ( 810 ) Peisey est inclus comme paroisse bénéficiaire.
Des ouvrages traitant de la dévotion mariale en France et, semblant s'appuyer sur des sources sérieuses mentionnent qu'au moment de la guerre contre les Lombards ( 753 ), Pépin le Bref inspectant les cols de montagnes et se divertissant en chassant l'ours, s'égara au lieu dit «  la Fontaine ». Il y rencontra un ermite près d'un oratoire et fit un don. Le passage de ce roi des Francs serait immortalisé par le nom de « Pépin » donné au glacier et un plateau sur le territoire de Peisey. Cet ermite devait probablement remplacer les Druides ( archives Nationales ) car notre vallée était habitée avant le Christianisme.
Toutes les hautes vallées de Tarentaise, dès qu'elles furent habitables, cultivables et exploitables, accueillirent les Centrons. Peuplade celtique, d'origine gauloise, elle avait hérité de toute la structure familiale, sociale, religieuse... et ingénieuse des Gaulois. Un historien du siècle dernier ( 19è siècle ndlr), Ducis, nous signale que Peisey était déjà un centre de travaux miniers.
Parler de Peisey et de ses mines de plomb argentifère, c'est aussi lui allier les mines de la Plagne de Macôt. D'immenses galeries, en partie éboulées et allant jusqu'à Champagny nous ont révélé, par la découverte d'outils romains, qu'elles étaient exploitées dès avant le Christianisme. L'hypothèse d'une galerie reliant la Plagne de Macôt à la mine de Peisey n'est pas à négliger ?

Si la chasse fournissait des morceaux de choix à nos ancêtres, ceux-ci vendaient du fromage, « le vatusicum » à leurs voisins. Ce fromage devait être tout simplement la Tomme actuelle ou mieux, le Beaufort. Pline, écrivain romain, mentionne ce commerce.

Le culte des eaux, de temps immémorial aux Vernettes, avant le culte de la Ste Vierge (rappelons-nous du nom Aximus : dieu de la fontaine au génie vivifiant – de là : Axima = Aime) ; la longue méfiance des évêques pendant des siècles, au moins de 443 à 1680, envers ceux qui vénèrent les fontaines ; la proximité d'un dolmen à Macôt ( lieu-dit les Frasses ), des amoncellements de pierres dans la montagne entre Peisey et Hauteville, les feux de la St Jean, tout cela d'origine celtique, sont des témoignages en faveur de l'influence druidique à Peisey. Certains autres petits détails superstitieux sont loin d'infirmer cette brève énumération.

Enfin, le dieu des forêts, Sylvain, devait être invoqué, comme le dieu Pan, dieu pastoral. Les vestiges romains de l'ancienne basilique d'Aime sont très révélateurs. En tenant compte des modifications orthographiques les très nombreux noms de familles Silvin ( à Peisey ), Sylvestre ( Canton d'Aime ) ont certainement une origine gallo-romaine !

L'influence romaine se retrouve dans deux noms : Villaret = Villa= maison de campagne, et aussi le Pont Romane à Nancroix. Il y a d'autres noms de lieux dont l'origine est latine mais ils ne suffisent pas à prouver la présence romaine.

Au Ve siècle la Tarentaise est envahie par les Burgondes, peuplade germane, et ainsi se fonde le royaume de Burgonde ayant pour capitale tantôt Lyon ou Vienne. On n'a pas de détails au point de vue local. Période bouleverséee où la Savoie est partagée entre les Francs et les Wisigoths. Comme repaires, l'influence germanique de noms dans la région : Montandry, les Auventes, Nant, Landry etc …

Les noms de Richermoz, Gontharet dont nous parlerons plus loin sont d'origine germanique. Un autre nom peut attirer plus spécialement notre attention : Villibord - comme d'autres noms ( Ougier au Ve siècle Ogier, nom franc – Coster, costergins, Costerg, nom hollandais ) - Willibrod naquit en 658 d'une famille noble anglo-saxonne. Il fut moine en Ecosse, Island et vint en Allemagne, en Italie, en Belgique et pays franc etc... Ce fut un grand itinérant. Il baptisa Pépin le Bref en 714. Il envoya des moines un peu partout pour fonder des ermitages. Comme j'ai trouvé mentionné 3 fois vers 753, la présence d'un ermite écossais près du lieu des Vernettes, on peu échafauder quelques hypothèses. St Willibrod étant mort en 739 à Rohternach ( duché du Luxembourg ) et canonisé en 75O, des moines ont peut-être fait connaître le nom de ce saint dans le pays et fut-il adopté par des personnes ? Autre hypothèse : St Willibrod ayant des frères dans l'armée franque et même des alliances familiales avec la dynastie, un membre de la famille est venu dans le pays ?

Sous le règne de Charlemagne, le diocèse de Tarentaise fut érigé ; Peisey était déjà paroisse. Elle devait être désservie par Landry, dépendant du prieuré d'Aime ou de Bellentre. L'église devait se trouver où elle est située actuellement, mais avec des dimensions bien plus modestes.
Vers 900, les Sarrazins envahissent le Piémont, la Maurienne et la Tarentaise. Les nobles, les archevêques de Maurienne et de Tarentaise et du Valais les combattent, mais en vain. La basilique d'Aime fut détruite et notre région ne fut pas épargnée. D'après une vieille tradition, une cloche de 1517, au clocher de Peisey, appelée « la Sarrasine » perpétue le souvenir de l'époque où les gens fuyant les envahisseurs se réfugiaent dans les montagnes. Enfin près de la Mine, il y aurait un cimetière sarrazin.
Pendant 40 ou 50 ans les Sarrazins occupèrent le pays. Il est possible que peu à peu ils s'assgissent et firent bon ménage avec l'habitant ! Ce n'est pas la première fois dans l'histoire. On croit même qu'ils travaillaient aussi les mines ? Ce qui est pus certain, c'est qu'ils importèrent la culture du blé noir, dit « sarrazin ».

Finalement, chassés de la Savoie, peu à peu la vie s'organisa avec plus de calme. On reprit la vie ordonnée des montagnes et, sous l'impulsion de l'archevêque de Tarentaise qui pratiquement était le grand seigneur de la région, les paroisses s'organisent. Au XIIe siècle Peisey dépendait, pour le spirituel, de l'archevêché de Tarentaise, et, pour la dîme de la maison archiépiscopale.
Dans la cour du presbytère de Peisey, le bassin a les marques très nettes d'un ancien baptistère du XIIe siècle. ( voir dictionnaire d'archéologie religieuse)

par F. Pelardy Prêtre ( juillet 1966 )