Actualités

Le francoprovençal est une belle langue. Bien que ne la parlant pas , ne la comprenant pas, je reste sensible à sa musicalité lorsque les -trop rares- occasions de l'entendre se présentent. Cette langue, vulgairement surnommée patois, parlée par mes grand-parents, m'a bercée durant mon enfance. C'est pourquoi j'ai envie de la mettre à l'honneur sur ce blog. Je mettrais en ligne petit à petit les textes qu'écrivit mon grand-père Donat et que vous connaissez déjà pour les avoir lu en français.
Histoires maintes fois racontées et publiées dans la Revue Dava Rossan-na en français et en patois sous le nom d'auteur Dona Revène – Le Marmotïn – Moulïn - Péjèy

Retrouvez-les dans les archives 2015-décembre

lundi 28 février 2011

Les artisans de Moulin au début du 20e siècle


Les moulins

Il existait deux Moulins: l’un, le » moulin de Madeleine », avant le pont qui était plus bas à l’époque, ruine remplacée par un chalet et l’autre, après le pont, le « moulin à Rosat », devenu résidence secondaire de la famille Thomas.


Le canal

Le torrent était dérivé en amont par un canal qui amenait l’eau sur le moulin, la forge et la scierie fonctionnant tous avec l’énergie du Ponturin. Ce canal, qui traversait le chemin, était couvert de pierres plates et commandé par une vanne. Il arrivait d’abord dans « le trou à Gaude », sorte de sablière où se déposait le gravier charrié par le torrent. Les Moulinots venaient acheter ce sable noir à Joseph pour de petits travaux de maçonnerie.
Puis l’eau allait actionner la meule du moulin et le pétrin. Ce moulin était un bien communal qui servait aussi de boulangerie.


Les céréales

Les paysans cultivaient du seigle et de l’orge, un peu d’avoine, mais il fallait la semer tôt pour la voir mûrir, et que le temps soit beau. La moisson avait lieu en aout, à la St Barthélémy, même si le seigle, les années de pluie, n’était pas très mûr. S’il ne mûrissait pas, c’était une année de misère comme en 1816 où la neige n’a pas fondu au-delà de 2000m, les pommes de terre restant aussi minuscules. Avant de le couper, on semait les graines de raves qu’on piétinait en le ramassant. On dressait des gerbes qu’on ramenait et battait en septembre au fléau sur la place, ce qui attirait les enfants. Ou sous la voûte de la maison Orgelet quand il pleuvait. Quand la moisson était particulièrement bonne, des italiens venaient aider en novembre. Un des derniers batteurs fut le T’chin. Il battait seul, un dur labeur, et portait une longue barbe qui faisait peur aux enfants. Les grains étaient ensuite passés au tarare pour isoler la balle, tout comme les fèves pour lesquelles on mettait une grille plus grosse et ronde. Dans les maisons, on stockait les céréales dans de grands coffres en bois.


Le moulin

Comme nous le raconte Suzanne Colin, chacun apportait son seigle « au moulin à Rosat » en février, dans des petits sacs en toile blancs marqués aux initiales de la famille. Chaque sac plein, le » bichet », servait de mesure et contenait 11kg de grain qui donneraient 7 pains bombés et ronds, et du son pour les poules qu’on devait payer. Ces sacs servaient aussi à acheter les pâtes, le riz, la polenta, les lentilles, les haricots. Depuis Nancroix, on les descendait sur des luges.
Dans le vieux temps on cuisait le pain en novembre pour toute l’année. Si bien, qu’on devait le fendre à la hache et qu’il se trouvait souvent moisi. On devait le faire tremper dans la soupe, le lait ou le sérac pour le manger. Dans les maisons, les pains étaient disposés sur des claies, sous le plafond, loin des souris. On les descendait avec un râteau.
Plus tard il fut dit qu’on pouvait le cuire jusqu’à ce qu’en mai, le seigle fleurisse à nouveau dans les champs. La farine d’orge servait à nourrir les deux ou trois vaches, et le cochon ; l’avoine, le mulet.
Le surplus de farine servait à confectionner le pain de ceux qui n’étaient pas cultivateurs. Le pain cuit était stocké dans la maison de Claude Maurice, au bord du village, et les gens le récupéraient en passant avec le mulet. Et » Glaud Mui » disait voir passer » toute la commune devant chez lui ».

En 1912, une avalanche, descendue pendant la nuit, ensevelit le moulin et son meunier Gustave qui n’avait rien entendu et trouva la nuit bien longue. Son aide le découvrit, tout étonné, après avoir dégagé la neige avec les voisins. Cette histoire court encore.


On montait deux marches pour entrer dans une pièce où on vendait le pain. Le four était derrière et la meule au bout. Henri Rosat, le meunier, était un petit homme aimable. On ne voyait que ses deux yeux bleus dans son visage enfariné. On pouvait choisir un pain dans le four et l’emporter encore chaud. Il faisait aussi des brioches à la praline les dimanches.
Il y avait toujours à boire près du four pour étancher la soif et ceux de la scierie ne s’en privaient pas. La table où on pesait et payait le pain, supportait aussi des verres. Et ceux qui, revenaient de la forêt, ainsi que le garde champêtre s’arrêtaient là pour boire avec le boulanger. On faisait la fête.

Puis la mode est venue au pain blanc et on fit rentrer de la farine de blé blanche. Il était impossible de faire pousser du blé en montagne. IL « périssait ».Au début un gars d’Aime ramenait des couronnes qu’il déposait à Peisey chez Baptiste Garçon (Maison de Gérard Richermoz) pour les bronziers qui venaient de Paris en vacances. Puis Henri se mit à faire des couronnes
Il fabriquait aussi des crèchens pour les rois, mardi-gras et le quinze août avec le beurre du « fruit commun ». Les conscrits payaient la crèchen aux conscrites et s’en allaient danser chez Jean, à l’hôtel Villiod.

Raymond Rosat, le fils d’Henri, essaya de reprendre le moulin, mais il tomba malade.
Ce moulin est actuellement la propriété de la famille Thomas qui l’a acheté à la commune.
Il n’y a plus de boulanger à Moulin, ni de moulin. Seul le nom demeure.


La forge

Autrefois, pendant 4 générations, les ancêtres de Donat Silvin ont été forgerons de Moulin, dans la cahute qui fait face à sa maison.
Entre le moulin et la scierie, était aussi une petite forge dont on peut encore voir des murets en ruine adossées à la montagne sous les arbres, la forge à Debernard. Son soufflet était actionné par l’eau.

Son fils Charles, aussi forgeron, s’est installé de l’autre côté de Moulin, sous la route, là où s’élève actuellement la maison d’Edouard Silvin. Sur le grand mur actuel, était un emplacement pour deux chevaux, surmonté d’un local en bois où étaient stockées des barres de fer. Les livreurs de ferraille déposaient leur chargement au rez de chaussée d’un autre local au milieu du village (actuellement maison Vuillerme). Il était ensuite transféré à la forge.
Charles, petit homme moustachu, était aussi maréchal ferrant. Il y avait alors 60 chevaux et mulets à Peisey et l’on venait de Landry et Hauteville sur rendez-vous pour les ferrer. Ulysse Poccard Marion se souvient de leur pas incessant dans le chemin qui descendait à la forge. Charles prenait un commis pour la fabrication des fers, qu’il empilait autour de chez-lui.
Il faisait des pioches de jardin et de chantier, des coins pour fendre le bois, des pinces articulées rivées. Il ressoudait les manches des casseroles, appointait les pioches. Il possédait une meulerie pour affûter les outils. C’est lui qui réalisa la barrière et le portail en fer de la maison Clément, ainsi que le triangle utilisé par Louis Peraillon, le cantonnier, qui ouvrait le chemin en hiver.

Il était aussi accordéoniste ! Il accompagnait les cortèges et animait de petits bals. Chez Séraphin Poccard pendant la guerre, chez Camille Gontharet à Nancroix, à la St Jean chez Brunes…Un peu partout !

Edouard Silvin a tout démantelé pour faire sa maison.


La scierie

Après avoir actionné le soufflet de la forge, l’eau continuait vers la scierie pour faire fonctionner «  la battante » et la scie circulaire Elle passait sur une roue à godets qui faisait monter et descendre la scie et avancer les billots.

Ernest Gontharet et Joseph Gaude achetèrent cette scierie à Eugène Favre, père de Lucienne Villiod.
Ils s’occupaient des sapins et des mélèzes du bois d’affouage, les débardaient et enlevaient l’écorce avec une hache. Ils coupaient des poutres, des voliges, des lambourdes. Le travail était soigné et on venait de Chambéry acheter des planches. Avec le frêne, on fabriquait des « lugeons ».
Parfois, des jeunes « faisaient » un arbre qu’ils coupaient à la hache et vendaient les billots à Ernest et Gaude. Ils se faisaient ainsi un peu d’argent pour la fête des conscrits.

Les gens venaient aussi chercher la sciure qui servait de litière aux vaches.
Marcelle, la fille de Gaude, adorait y jouer et passait son temps à jeter, entasser et balayer cette sciure plus fine que du sable et qui sentait si bon. Zoé, sa mère, y a même caché du linge et des draps pendant la guerre, pour les soustraire aux allemands qui réquisitionnaient tout.
L’hiver y était rude car la scierie était ouverte à tous vents. Alors les hommes allaient se réchauffer au troquet du moulin et rentraient souvent avec » un verre dans le nez ». La vie était dure
.
Un jour des années 50, le petit Michel Villibord est allé à la sciure et s’est fait prendre à la tête dans la machinerie. On dut le trépaner.

Pascal Trésallet, plus tard, a installé une scierie au bord de la route, à la sortie de Moulin vers Nancroix. Maintenant, il est retraité.
Quant à la vieille scierie, achetée par la famille Bernard, elle est devenue aussi une résidence secondaire.

La fruitière 

Ancienne école mixte de Moulin, qui recevait une vingtaine d’écoliers et fut fermée au début du 20ème siècle, elle est l’actuelle maison de James Poccard. La fromagerie fonctionnait de fin janvier à mai.

Le fromager, souvent formé à l’école fruitière de Boug St Maurice, y recevait toute la production de lait de Moulin, qu’il transformait en Beaufort. Souvent ce fruitier était de Peisey, comme Michel Gontharet, Jeannot Jovet ou Joseph Anxionnaz, son neveu Fernand et d’autres; mais une année vint un certain Henin qu’il fallut loger. Le grenier de la fruitière s’avéra très froid et ce fut Yvon Colin qui dut l’héberger.

Le fromage était affiné en sous-sol où coulait un filet d’eau et aussi chez Charles Debernard qui recevait 100 meules dans sa cave de 9m de long. On les mettait sur des étagères où elles étaient régulièrement salées et retournées.
Puis des marchands venaient traiter le prix au kilo après avoir vu le fromage, qui était livré « tout frais » au bout de trois mois.

On avait instauré « le jour du fruitier ». Il devait être nourri par les familles selon le lait apporté. Le matin, une famille lui portait le casse-croute, puis lui offrait les repas de midi et du soir à la maison, repas que l’on améliorait, mais qui étaient vite avalés pendant que le lait caillait. Les familles avaient des numéros et le secrétaire faisait les comptes. Comme chaque famille possédait en moyenne 3 vaches, Silvin Marcellin, qui en avait 7, devait plus de jours. Hénin aimait bien manger chez Zoé Favre, car il y mangeait de bonnes choses qu’il ne trouvait pas ailleurs.

Cette fruitière fut abandonnée quand on regroupa toutes celles des hameaux à Peisey. Maintenant, les fruitières sont dans la vallée, à Aime et Bourg St Maurice. Les grands éleveurs font eux-mêmes leur beaufort, le portent dans la vallée ou le vendent aux touristes dans la station.
. Les tommes et le beurre étaient et sont toujours des productions familiales. Toutefois, le lait trait en hiver est aussi converti en yaourts, raclettes…

Petit artisanat

Alphonse Trésallet, dans la maison actuelle d’Alain Richermoz, fabriquait de petits ustensiles en bois : des auges, des seillons pour donner à boire aux veaux ou traire les vaches, des baquets pour la lessive, des berceaux, des barattes hautes…
Son fils Henri prolonge le travail de son père et vend sa production à l’Ancienne fruitière de la côte d’Aime.

Les maisons qui ont toutes près de 300 ans, se construisaient en « solidarité » et les charpentes étaient préparées en hiver.
En hiver aussi, des jeunes s’embauchaient pour extraire des pierres aux « pierres du Ceris », près des amis, et à Glaise, qu’ils tiraient sur des traineaux. Elles servaient à faire les maisons et à entretenir les routes.

Chacun fabriquait ses outils : dents de râteau, petits seillons, ballets, manches de pioche. Certain avaient leur spécialité.


Le café-épicerie des Rosat

Sis dans l’actuelle maison de la famille Watteau, le café était une petite pièce dans l’entrée, meublée de deux ou trois tables. C’était le lieu des jeunes !

L’épicerie était à coté dans celle de la famille Lluansi. C’était un endroit humide et frais, propice à une bonne conservation des victuailles où l’on entrait par un long corridor sombre qui effrayait les « croés ». Elle donnait sur l’arrière, séparée par un rideau qui cachait un coin où dormaient les enfants. Dans la grande cuisine, à droite, marchait en permanence un fourneau qui arrivait à peine à chauffer.

Zoé Rosat, la tenancière, dite « La Rosate », était une belle femme, débrouillarde qui rendit bien des services aux villageois pendant la guerre. Entre autres, elle avait encore des crayons pour les écoliers. Marceline Silvin, femme de Donat, la coiffait et elle était toujours avenante bien qu’elle eut de nombreux enfants à s’occuper, et des chèvres, des cochons, des lapins, des poules…Elle ouvrait à 7h30 le matin et fermait tard le soir.
Mr Brunet d’Aime venait lui livrer en gros le vin et les denrées avec sa camionnette.

La plupart des produits se vendaient en vrac. Ils étaient placés dans de grands tiroirs en bois ou dans des sacs de jute qui n’étaient à l’abri ni des araignées, ni des souris. Certains achetaient le sucre par sac de 25kg. Il faut dire qu’à cette époque le sucre était considéré comme un fortifiant. On en mettait beaucoup dans le café au lait qui se préparait pour 3 jours : on portait à ébullition un peu de chicorée dans un grand faitout, à laquelle on ajoutait le café, le lait et le sucre. Une famille possédait même une petite marmite à cet effet. Les enfants déjeunaient aussi avec du Phoscao.

Quand on désirait de l’huile, on devait apporter une bouteille. On transportait pâtes, riz, polenta, lentilles dans des bichets, sacs de toiles blancs.
On y trouvait de la morue, fort appréciée à cette époque, des boites de pilchards, de sardines, de pâté, de corned-beef, de la limonade et de la bière. Et toutes sortes de friandises : des Mazet, (bonbons aux fruits pliés dans du papier, spécialité de Chambéry), qu’on mettait dans sa poche avant de partir aux champs, du pain d’épice en forme de cœur, du bois doux et des rouleaux de réglisse, du chocolat, de la confiture.
Même un jour, quelqu’une dît que la confiture de fraise était vendue au prix de la compote de pommes et chacune de s’y précipiter. Bien que les femmes fassent des confitures de tous les fruits de la nature : de myrtille, de framboise, d’épine vinette avec de la courge…
Plus tard on y achetait aussi le pain si on ne voulait pas descendre jusqu’au moulin. « La Rosate » ne vendait ni viande, ni légumes et encore moins de lait. Le lait, la volaille étaient difficiles à trouver pour les touristes encore peu nombreux. Il n’existait pas non plus de boucherie. Il fallait s’adresser aux cultivateurs. Chacun pouvait tuer un veau, surtout le cochon, et cultivait ses légumes (pommes de terre principalement, choux raves, carottes, poireaux, petits pois, betteraves rouges, choux, navets, les fèves placées au bout des champs pour retenir la terre).
Parfois elle vendait des œufs qu’on lui apportait mais seulement si on n’en voulait pas trop cher, et quelques saucisses en hiver.

Les femmes qui rinçaient leur linge au bachal surélevé devant l’épicerie entraient pour se réchauffer les doigts et tailler la bavette. C’était un lieu convivial, le cœur du village, où plus tard, l’on vint aussi téléphoner et regarder la télévision.

La cordonnerie

Dans la maison où vit maintenant Marie-Claire Gontharet, son grand-père, Edouard Baudin, exerçait le métier de cordonnier en même temps que celui de facteur. Il réparait les galoches, les harnais de mulet, les colliers pour les cloches des vaches.

Le câble

Il existait un câble entre les Esserts et Moulin, qui permettait de descendre le foin dans le hameau. Les barillons arrivaient sur les prés fauchés, dans le tournant de la route vers Nancroix, actuellement la scierie de Pascal. Le buttoir était près d’une petite cabane qui protégeait le mécanisme Quand ils entendaient le sifflement du câble, les croés se précipitaient pour le regarder fonctionner. C’était une attraction.
Il en existait un autre au fond de la vallée entre Les Loyes et la Gura, du temps où l’on fauchait encore si haut. Jeannot Jovet se serait fait descendre comme un barillon, sans dommage puisqu’il y avait un contrepoids qui stabilisait le trajet.
Le foin, transporté vers les granges avec le mulet, était mis en vrac, salé et retourné pour qu’il ne fermente pas.


 
© Association " Les Habitants de Moulin ", juillet 2009




lundi 21 février 2011

L'orgue de l'église de Peisey


Date de la construction : 1773

Facteur  : Joseph Ramasco Sagliani d'Andeno

Buffet  : Style Louis XV
              hauteur  : 3,80 m
              largeur  : 2,20 m
              profondeur  : 0,90 m
              emplacement : sur la tribune du portail principal

Composition  : jeux 6 ½
                          fonds 5 ½
                          mutation 1
                          un clavier de 45 notes
                          un pédalier de 8 notes

Grand orgue  : principal 8
                          flûte 8
                          bourdon 8
                          voie humaine 8 (S)
                          octave 4
                          fournitures

Pédalier  : basse 8

Transmission  : mécanique

Soufflerie  : à bras

L'orgue a été réparé en 1860 par Michel Trésallet de Peisey qui ajouta un pédalier avec Basse 8 en bois. La voix humaine ( S : 36 notes ) est à bouche et non à anche, discordée vec le Principal 8.

in « Orgues savoyardes » E. Perrier de la Battue, 45 pp, 1930

Peisey et son église


Peisey est un petit village situé en tarentaise, à l'intérieur de la zone périphérique du Parc national de la Vanoise.

C'est un centre de courses en montagne, qu'il s'agisse d'alpinisme ou de ski, qui est relié directement à la station de Bourg-Saint-Maurice – Les Arcs. ( aujourd'hui,avec La Plagne, domaine Paradiski )

Il est célèbre surtout par son église paroissiale au svelte clocher qui renferme l'un des plus beaux carillons de Savoie. L'intérieur de l'église avec un magnifique rétable est un pur joyau de l'art baroque du XVIIe siècle. Cette église Possède également, autre merveille, un orgue historique aux sons étonnants.

Si la paroisse de Peisey existait dès le XIIe siècle, ainsi qu'en témoigne une Bulle pontificale du pape Eugène III qui date de 1145, l'église actuelle a été construite entre juin 1685 et octobre 1687 pour le gros oeuvre. L4embellissement intérieur a été échelonné jusqu'en 1699.

La vallée du Ponturin et les « communiers » étaient riches en ces temps-là : vente de fromage et de bois, commerce du bétail, travail du bronze et artisanat. Le millier d'habitants de Peisey dépensa en 15 ans l'équivalent de 300 000 de nos francs actuels pour son église, (45 348 € ), soit :

  • 4 550 florins pour le gros oeuvre,

  • 5 000 florins pour le rétable du maître-autel,

  • plus de 2 000 florins pour les autels latéraux,

  • 300 florins pour la vitrerie.


A cela il convient d'ajouter ultérieurement l'acquisition de l'orgue en 1773 et la construction ou l'embellissement de chapelles :

  • Sainte Madeleine à Nancroix

  • Saint Grat aux Moulins


  • Saints Pierre et Paul au Villaret

  • Notre-Dame de Beaupraz

  • Sainte Marguerite à la Chenary

  • Saint Jacques à Pracompuet et surtout

  • Notre-dame des Vernettes, célèbre par sa fontaine miraculeuse et son pélerinage du 16 juillet.


Après avoir suivi une restauration générale en 1868, le rétable du maître-autel a été rénové en 1963.

Donat SILVIN, notes pour la visite de l'église de Peisey

vendredi 18 février 2011

La chapelle de Moulins


C'est la plus grande, et surtout, la plus ancienne de la vallée de Peisey-Nancroix, puisqu'elle date du 15 ème siècle (1449). Pendant la reconstruction de l'église paroissiale de Peisey (1685-1689), elle servit pour les offices.

Elle a d'abord été dédiée à Saint Grat. Cet évêque de la vallée d'Aoste fut chargé par le pape daller en Israël chercher et ramener la tête de Saint Jean-Baptiste. Un moine, ayant eu une vision, affirmait qu'elle avait été jetée dans un puits à un endroit précis. Il l'a trouvée et rapportée à Rome. La machoire inférieure est actuellement à la cathédrale d'Aoste dans une chasse en argent. Le souvenir de cette expédition est représenté par des tableaux peints sur les murs intérieurs de la chapelle du village de Vulmix, au-dessus de Bourg-Saint-Maurice.

Par la suite, Sainte Agathe qui fut choisie comme patronne du village de Moulins et fêtée le 5 février. C'était une jeune fille de Sicile devenue chrétienne et martyrisée pendant les persécutions romaines : on lui arracha les seins.Ces deux saints sont peints sur le retable de l'autel de chaque côté de Saint Michel terrassant le démon. La statue en bois a été scultée à Lyon dans les ateliers Monteilhet Jeune et offerte au village par deux soeurs Villibord de Moulins (Marie-Catherine et Claudine). L'installation eut lieu le 3 juillet 1870 par une grande procession depuis Peisey et ce sont les jeunes filles de Moulin qui l'a portèrent, en costume local. Ce fut une très grande fête.

La statue de Saint Joseph à droite de l'autel est de la même époque. Les tableaux du chemin de croix furent installés le 5 février 1902 par le curé Alexis David-Vaudey à l'occasion de la Sainte Agathe.. La cloche fut refondue par Jacques Mérandon du Villaret et bénite par le curé J.M. Moris le 23 novembre 1837. A

La cloche de Moulins

Les deux frères Villibord Maurice-Augustin et Laurent-Martin, procureurs de la chapelle, ont fait refondre la cloche par Jacques Mérendon du Villaret. La cloche fut bénite par le curé J-M Moris le 23 novembre 1837. Son poids : 124 livres.
Les frères Villibord furent procureurs de la chapelle jusqu'en 1859. Ils ont fait refaire le toit de la chapelle et le clocher. Ils ont fait replacer la partie supérieure de l'autel qui était tombée, construire un plancher superposé sur un pavé de dalles, recrépir les murs, réparer les murs de clôture: frais couverts par les rentes de 2 capitaux et les offrandes des fidèles.

Chemin de croix de la chapelle de Moulins

Erigé le 5 février 1902 (fête de la Ste Agathe) par le curé Alexis David-Vaudey. Après la permission donnée par le Vicaire Général Joseph-Emile Borrel, en date du 25 octobre 1901. Suite aux facultés données par le Maître Général de l'Ordre des Frères Mineurs le Rd Louis-Aloyse Lauer, en date du 15 juin 1900.



Inauguration de la statue de la Vierge
Récit du curé Mérendet,
Dimanche 3 juillet 1870

Cette statue, scultée sur bois et dorée, sortant des ateliers de Montheilhet Jeune à Lyon est dûe à la généreuse piété des soeurs Villibord Marie-Catherine et Claudine (de feu Laurent) du village de Moulins.
La cérémonie d'installation eut lieu le 3 juillet 1870, un dimanche soir. La statue, placée sur un brancard décoré avec goût, était elle-même comme encadrée dans une riche et élégante guirlande agencée par une personne du village à laquelle on doit un grand nombre d'objets de ce genre.

Après la bénédiction de la statue à l'église, selon le rite prescrit et en vertu de l'autorisation de Monseigneur L'Evêque, vers les 2 heures de l'après-midi, on se mit processionnellement en marche au chant des Vèpres de la Vierge.
La statue fut portée en triomphe par des filles du village de Moulins, costumées avec goût, qui se relevaient le long du trajet. A moitié chemin s'élevait un riche reposoir où l'on déposa la statue pour l'encenser et pendant ce temps, de jeunes enfants en habits blancs, lancèrent à l'envi des fleurs et chantèrent avec ensemble admirable des cantiques à refrain.

La procession reprit sa marche par un chemin maintenant jonché de mousse. A quelque distance de la chapelle du village, les murs et les maisons disparaissaient derrière les draperies tendues sans solution de continuité où l'on voyait apparaître toutes sortes d'objets religieux.

A l'entrée du village, des jeunes gens du même hameau voulurent partager l'honneur du convoi. Rien ne peut rendre l'entrain avec lequel ils élevèrent sur leurs épaules ce précieux fardeau pour aller le déposer sur un trône élevé dans le choeur de la chapelle. Inutile de décrire l'arc de triomphe artistement construit à l'entrée de la chapelle.

Les hymnes de l 'Eglise en l'honneur de la Vierge et des cantiques alternés par des voix mâles et enfantines tinrent pendant plus d'une heure, au milieu d'une épaisse fumée de pur encens, toute la nombreuse assistance, dans une espèce de ravissement et pieux recueillement.

Quelques paroles émues furent prononcées par le Pasteur présidant la cérémonie, au milieu du plus profond silence. Le village fut consacré à la Sainte Vierge : qui veut bien y résider désormais.

Dans la petite allocution on n'oublia pas les pieuses donatrices, les organisateurs de la fête, en particulier les deux procureurs de la chapelle à qui revient une bonne partie du mérite de cette fête.

Mérendet. Curé.

Note : la statue de la Vierge pour la chapelle de Moulins a été commandée avec celle de Saint Joseph : 240 francs les deux, le 24 octobre 1869, plus 100 francs pour l'achat d'un ornement rouge. Cet ornement rouge est un don de Jourdan Anne-Marie, de Moulins.

jeudi 3 février 2011

Mon village en automne


J'aime Peisey en automne, Peisey débarrassée des touristes, qui frissonne et s'endort dans le brouillard.
J'aime me promener dans ces ruelles étroites laissant venir à moi tous les bruits, tous les mouvements qui m'entourent. Ici, c'est le bruissement des feuilles mortes, là le jappement d'un chien, un peu plus loin, le carillon du clocher que je ne peux voir mais devine tout en haut du village.

Soudain, l'odeur forte et chaude d'une étable s'échappe d'une ouverture, mon nez insensible à cause du froid, un instant se réveille. Il reconnaît alors la fumée d'un feu de bois, l’odeur annonciatrice de la neige.

Je me dirais « ça sent la neige » ; cette réflexion fait toujours rire mes amis de la ville.

J'imagine le bétail, J'imagine ces gens qui, paysans ou non, profitent de novembre pour bricoler chez eux, lire, écrire ou rêver. Certains m'auront apperçu dans mon errance. Un rideau qui retombe sur une fenêtre embuée sera le seul signe, discret, qu'ils portent à l'extérieur. J'aime la différence qu'il existe entre la lumière palotte du soleil et les lumignons des réverbères, petites étoiles qui m'indiquent un chemin à suivre, celui de la maison, de la soupe chaude.

Et après un tel week-end, Je reprends la voiture. Je regagne Paris, non sans regrets, Je vous l'ai dit, j'aime tant Peisey dans le froid et la brume.

© Laurent SILVIN, 1995
 

Le rebouteux


« Vas voir le père Jovet ! »

Combien de fois ai-je entendu ce conseil ? Des dizaines, des centaines de fois peut-être ? Ces quelques mots résonnent encore en moi. Jusqu'à réveiller une ancienne douleur, s'ils reviennent trop souvent ou trop intensément. Pourtant le Père Jovet était un brave homme qui aimait la vie et les hommes aussi. J'en veux pour preuve les nombreux soulagements qu'il a apporté aux bras, épaules, chevilles et poignets souffrants. Bref, il était notre sauveur, connu de tous, même des vacanciers.

J'ai eu maintes occasions de le croiser dans mon enfance mais une seule retient aujourd'hui toute mon attention. Ce jour-là, nous jouions au foot avec François. Notre terrain était la ruelle « des quatre fumiers », récemment goudronnée (la route des mouilles). Faute d'avoir un vrai ballon, nous avions choisi une balle de tennis jaune. C'est l'été, nous sommes en petites sandales. Soudain, c'est le drame, mon pied passe à côté de le balle mais n'évite pas le bitume. Ça fait mal !

Parcourir les cinq cents mètres qui séparaient les deux villages fut pour moi un véritable enfer. Je parvins enfin devant la maison du vieil homme. A temps ! Il comprit très vite la situation et me fit entrer dans la cuisine. C'était une cuisine comme il n'en existe plus à notre époque. La télévision l'avait d'ailleurs immortalisée. Dans un angle, il y avait un banc sur lequel il me fit asseoir. La pièce était grande, un peu sombre, car elle permettait de loger bêtes et hommes. Ceci avait l'avantage de conserver une agréable chaleur l'hiver mais aussi une très forte odeur des bovins, volailles et autres animaux de ferme. Seul le cochon avait droit à une pièce à part.

Louis Jovet me demanda de quitter mes sandales. Pendant ce temps il se lava les mains, dans l'évier écaillé, au savon de Marseille. Sa femme lui prépara la motte de beurre et mit à tremper, dans l'eau chaude, des serviettes. Lorsqu'il approcha ses mains de mon pied, je serrais les dents. Elles me semblèrent énormes. Elles étaient surtout habituées aux durs travaux des champs, aux tâches agricoles. Je ne saurai dire si le beurre y était pour quelque chose mais elles se firent douces, voir agiles. Avec fermeté, il me reprit le pied. Cette fois-ci, il ne fut plus question de bouger. D'un geste rapide, impossible à décrire, il remit en place mon gros orteil.

Une douleur vive, aigue ! Une douleur qui vous force à hurler ! Une douleur qui fit naître des larmes dans mes yeux d'enfant ! Et puis, le linge chaud et humide pour les sécher. Simplement, Madame Jovet enveloppa alors mon pied douloureux. Petite action, grand réconfort ! Dans des propos mi-patois, mi-français, son mari tentait de me rassurer. J'avais eu mal mais demain tout irait mieux. Je pourrais poser ma jambe au sol et même rejouer au foot avec mon copain François. Personnellement, j'en doutais mais ne demandais qu'à le croire. Dans l'instant, j'avais toujours mal.

Enfin pourquoi douter, les anciens du village, les touristes également, n'affirmaient-ils pas tous, et unanimement :
«  il n'y a pas meilleur comme rebouteux, dans toute la vallée, que le Père Jovet. »

 
© Laurent SILVIN, 19 mai 1995