Actualités

Le francoprovençal est une belle langue. Bien que ne la parlant pas , ne la comprenant pas, je reste sensible à sa musicalité lorsque les -trop rares- occasions de l'entendre se présentent. Cette langue, vulgairement surnommée patois, parlée par mes grand-parents, m'a bercée durant mon enfance. C'est pourquoi j'ai envie de la mettre à l'honneur sur ce blog. Je mettrais en ligne petit à petit les textes qu'écrivit mon grand-père Donat et que vous connaissez déjà pour les avoir lu en français.
Histoires maintes fois racontées et publiées dans la Revue Dava Rossan-na en français et en patois sous le nom d'auteur Dona Revène – Le Marmotïn – Moulïn - Péjèy

Retrouvez-les dans les archives 2015-décembre

jeudi 21 juillet 2011

La maison à l’arche - Moulin

La maison, choisie pour sa beauté et sa belle taille par le couple Orgeolet, bien que peu ensoleillée, est ouverte sur la ruelle qui était autrefois l’unique route de Landry à Peisey, suivant à peu près le cours du torrent.

Elle présente 2 corps : l’habitation donnant sur un jardin, et une grange qui lui est perpendiculaire, construite sur une cour large et profonde, ouverte par une belle arche, caractéristique de cette grande maison. Cette cour pavée, qui est l’entrée commune aux gens et aux bêtes, protège une circulation de la pluie et de la neige.

Historique

Des Informations écrites n’ont pu être retrouvées qu’à partir du début du 19e siècle.
La tradition orale, recueillie auprès des voisins et de M. et Mme Donat Silvin, dit que cette maison aurait été la première du village au 13e ou 14e siècle.
Habitée par des religieux ?
Des religieux auraient habité la maison…S’agirait-il de la confrérie du Saint-Esprit, fondée à Peisey en 1504 ?...
Ce serait peut-être l’explication du décor retrouvé dans plusieurs pièces. La cuisine avec son plafond céleste, était-elle une chapelle ?
Dans l’actuelle cuisine, le plafond en plâtre presque tombé, montrait des restes sur un fond bleu lavande, de petits anges joufflus aux quatre coins et un probable « Père éternel » sur un nuage au centre.
La cheminée du salon avait été ornée de sculptures en plâtre qui n’ont pu être reconstituées.

Une auberge sous Napoléon 1er                                                                                                                                                                                                                                                                      

Elle aurait été une auberge, servant de relais aux élèves et aux visiteurs  de la première école des mines de France, créée par napoléon 1er en 1802 et qui a fonctionné jusqu’en 1815. La maison semble avoir été équipée pour cela.
La cour et l’écurie permettaient de loger des chevaux.
Il fut retrouvé un fumoir à viandes  et un puisard avec de l’eau fraiche.
La cave a la réputation d’être la meilleure cave pour « l’élevage » du fromage, à cause de l’eau courante qui y passe.             

Le révérend père Thomas

Une célébrité locale est née dans la maison.
Plusieurs livres relatent les épisodes de la vie du Père Thomas et particulièrement celui écrit par les chanoines Joseph Lale- Deriez et Frédéric Poccard-Chapuis(Ed. Aoste 1937, imprimerie Marguerettaz).
Charles, Zéphirin, Ignace Tresallet est né en 1849 de Maurice, joseph Tresallet(1823-1885) et de Marie, Rosalie Jourdan(1821-1880) qui était sa cousine germaine. De cette union naquirent six enfants dont 3 garçons morts en bas âge.
L’ainé, Charles a vécu 84 ans, mort en 1933 à Châtillon, en Italie.
A cette époque, les prêtres recrutaient les jeunes garçons les plus doués et les dirigeaient vers le petit séminaire de Moutiers, puis le grand séminaire. A Peisey de nombreux jeunes ont été ainsi orientés vers les ordres.
Charles fut ordonné prêtre en 1874.
Après une carrière religieuse brillante, il devint capucin. Il prêcha dans différentes paroisses de Tarentaise et du Val d’Aoste.
Une plaque à sa mémoire se trouve au cimetière de Peisey

Suzanne Colin raconte une anecdote

« Quand, devenu capucin, le révérend Père Thomas partit pour l’Italie, il décida de ne rien emporter. Sur le chemin vers Landry, il trouva son couteau dans une poche. Alors il remonta à Moulin pour s’en délester, puis repartit »
La famille du père Thomas était de sa famille…
Son frère et sa sœur
Son frère Jean-Baptiste Trésallet (1853-1898), instituteur à l’école laïque de Montrigon, atteint d’épilepsie, vécut avec ses parents jusqu’à leurs morts puis placé par le capucin dans un asile à Grenoble, puis à Bassens où il mourut.
Sa sœur Marie Marguerite (1856-1887) est morte à 31 ans après un essai manqué de vie religieuse dans un couvent à Grenoble.
En 1898, le père thomas, seul survivant, obtient du Vatican de vendre tous ses biens.
Capucin : Religieux d’une branche réformée de l’ordre des frères mineurs crée au 16e s. C’est un moine qui porte une bure, la robe de son ordre, ainsi que la corde à nœuds et le grand capuchon rabattu sur le dos.

Acte de vente le 8 février 1899.

Charles, Zéphirin Trésallet, missionnaire capucin, demeurant à Meylan(isère) cède et vend avec toutes garanties la généralité de ses biens, immeubles et meubles sur le territoire de Peisey et Landry, sans exception et pour la somme de 4000F., aux sœurs Trésallet Marie et Victoire, filles de Trésallet Jean.
Le père Thomas distribuera les 4000F, apportés en liquide, à ses œuvres.
En 1907, Victoire cède sa part à sa sœur Marie et meurt en 1933.
Marie Poccard Chapuis a trois filles, Marie Catherine, Marie Alphonsine et Marie Célestine ,  qui vendent la maison au couple Orgeolet le 30 aout 1938, pour la somme de 20 000F.
IL semble  que de 1899 à 1938, la maison ait été louée en trois appartements :
- Le premier comprenait l’écurie à chèvres et la grande chambre, reliées par une échelle et la trappe.
- Le second, les trois pièces du bas
- Le troisième, les 3 petites chambres du premier étage.

  

La maison fut louée de 1899 à 1938
 

La maison dans son ensemble, était donc restée très longtemps sans entretien mais, à l’origine, elle avait été conçue avec un certain souci d’élégance et de décor que l’on                                                                                                                                                                      ne retrouve dans aucune autre maison du village.
Elle fut louée.
A la famille Bertholin,
A Joseph et Zoé Gaude et leur petite fille Marcelle. Mais c’était très humide, à cause de l’eau sous les planchers et ils n’y restèrent pas longtemps.
A des ouvriers qui travaillaient sur la route en construction vers Plan Peisey (de la croix des routes à l’embranchement de la route de la forge). Ulysse Poccard Marion se souvient les entendre taper et rire très fort : ils jouaient à « lamora », sorte de poker joué avec les dix doigts.

Faits divers

La famille Orgeolet commença par construire un w-c dans la cour, près de la porte sur la ruelle. La lessiveuse qu’on utilisait et  vidait au torrent et qu’on laissait propre fut un jour emportée par des soldats pour faire …la soupe.
Dès l’été 1938, les hommes ont bêché le jardin. Quand la terre fut remontée, un bachal mis en place, que tout fut ratissé, il fut semé des graines de gazon amenées de Paris.
La nouvelle se répandit : les parisiens avaient semé de… l’herbe !
Hélas, des bassines en cuivre, de grandes marmites, les gros édredons rouges de grand-mère recouverts de guipure blanche disparurent l’hiver suivant et Diane dut se fâcher.  Il fallut renforcer les portes et boucher les issues du bas et tout se passa bien.
De temps en temps les paysans battaient le blé dans la cour, et les enfants accouraient au bruit des fléaux.
Ulysse Gontharet  mit son foin dans la grange pendant des années, en échange de très bonnes tommes de vache
                        
Un trésor

Le temps s’enfuit. Maurice et Diane passèrent bien des vacances avec leurs amis et leurs 7 enfants. Ils rendirent d’année en année cette maison plus confortable. Et même ils y trouvèrent un trésor en 1978, alors que leurs enfants recrépissaient la cour.
Chantal Orgeolet nous fait part de cette anecdote trouvée dans le journal de bord de son père Maurice :

"La cour a été entièrement repeinte au crépi coloré blanc. C’est une œuvre faite à grands renfort de grande échelle, de "caches" sur tous les bois et de "crépinette"... Ces travaux ont eu une conséquence accessoire assez exceptionnelle; en "cachant" une poutre, contre le mur du fond de la cour, à un endroit où depuis 40 ans enfants et petits enfants ont constamment grimpés, Sylvie a découvert un "trésor".
Il manquait cela à l'histoire d'une si ancienne maison.
Dans trois bourses de cuir en bien mauvais état, des pièces de bronze et d'argent, de France, d'Italie et de Suisse pour un total nominal de 54 Francs. Le monitariste constate que l'Union Latine existait dans les faits avant 1905.
L'abandon de ce trésor date d'environ 1880."

Ces pièces ont longtemps été gardées dans la maison et je crois que ma sœur Sylvie les a récupérées par la suite.

Maurice disparut en 1993,  Diane mit bientôt la maison en vente, au grand regret de ses petits enfants. Mais il y avait encore beaucoup à réparer.
           
Extraits du livret écrit en 1993 par Maurice et Diane Orgeolet,
                      parisiens, propriétaires de 1938 à 1995

Actuellement
Cette maison, qui a une âme, fut acquise par : Catherine et Arnaud de la Hougue vacanciers de longue date à Peisey qui recherchaient une maison en 1995.
Il y a 15 ans, Arnaud et Catherine, qui cherchaient à s'installer de façon indépendante, en dehors de la famille de Catherine, à Peisey, ont eu la chance, par Annie Collin, d'apprendre qu'une maison à Moulin était mise en vente. Annie, au téléphone, décrit la maison.
C’est comme un rêve qui pourrait  prendre forme. La maison est grande, pleine de charme ; elle a une histoire. Histoire ancienne et histoire récente pour tous ceux qui ont eu la chance d'y partager de bons moments, des fêtes avec les enfants Orgeolet... nombreux sont ceux qui y ont des souvenirs de jeunesse.

Il faut faire vite, la visiter, car d'autres sont intéressés... nous annonçons notre intérêt pour cette maison de l'arche et grâce à Donat Sylvain qui fait "traîner" pour les visiteurs intéressés,  lorsque nous arrivons au début de l'été, elle n'est pas encore vendue ;  nous visitons, nous tombons sous le charme, la première visite est concluante et nous nous décidons sans grande hésitation...après simplement avoir sollicité avis de quelques proches, dont certains nous ont dit "si vous ne vous décidez pas, nous, on l'achète"...
C'est ainsi que tout c'est fait très vite et que nous avons pris la suite de la famille Orgeolet....grâce au charme de cette vieille et belle maison, grâce aussi à Donat, qui connaissait bien Catherine et avait peut être envie de choisir ses futurs presque voisins.

Mais l'histoire de cette maison est pleine de surprise. En effet, c'est surprenant, mais c'est  avec Monsieur  Orgeolet qu’ il y a 66 ou 67  ans, Arnaud, petit garçon, a passé  pour la première fois des vacances dans la vallée, à Nancroix.. C'est Monsieur Orgeolet, connaissance professionnelle du père d'Arnaud,  qui lui a suggéré ce lieu de vacances.   Arnaud connaît donc la vallée depuis plus longtemps que Catherine, même s'il y a passé  moins de vacances ;  Catherine vient en vacances à Peisey depuis 1965,  ses parents ayant décidé d'y construire un chalet, la Croix de l'Arche ("le Clair du sablon" comme disent joliment certains peiserots).  Depuis, tous les étés, tous les hivers, la famille y séjourne.
C'est pour Arnaud et Catherine un double,  ancien  et fort attachement à la vallée de Peisey.

Compromis de vente signé en été,  acquisition en novembre et première vacances dès le premier hiver... le bonheur ! La maison était confortable même si, très vite, nous avons envisagé quelques travaux et des aménagements. Les seules  toilettes étaient  dans l'atelier : il fallait donc sortir dans la cour couverte, mais cela ne posait aucun problème. La maison avait beaucoup de charme, la salle de douche, ouvrant sur la cuisine ne déplaisait pas, permettant la poursuite des discussions, débats, échanges, rires pendant  vaisselle et toilettes ou  la surveillance à la fois de la cuisine et du bain des enfants...

Bien sûr, dans la maison, les plus grands doivent être vigilants et baisser la tête en franchissant certaines portes, plus d’uns s'y sont cognés et en gardent le souvenir. Il a fallu, pour d'autres, les plus vieux ou moins alertes, faire attention à la raideur des escaliers. Tout cela  donne à  cette vielle maison, dont certains disent que ce fût un "couvent", un charme formidable, beaucoup de cachet...
Assez  rapidement  nous avons fait quelques travaux pour gagner de la place et un peu de confort ; en particulier nous avons transformé l'écurie à chèvres en duplex
Pendant ces 15 années,  nombreux sont ceux qui ont  séjourné, été comme hiver, enfants, petits enfants, famille, amis, la maison permettant d'accueillir agréablement petits et grands. Pour les enfants,  cette maison  c'est un peu l'aventure  avec la grange, l' atelier,  la cour couverte et les greniers, tout cela offre mille possibilités, un merveilleux terrain de découverte, d'exploration, même s'il pleut, pas de soucis, le terrain de jeux est vaste.
 S'il fait beau, c'est en balade, ou  dans la forêt, au bord des torrents et sur les rochers pour de l'escalade que chacun se régale et bien sûr, l'hiver, pas mal d'amateurs, que ce soit pour  ski de piste ou de fonds, aux Lanches, merveilleuse vallée.
Tous apprécient les paysages, la vie locale et les girolles, les rencontres au cœur de Moulin  et les soirées  et moments partagés dans cette fameuse grange qui a permit fêtes, réunions, soirées  et rassemblements festifs autour de buffets toujours gourmands et riches de ce que chacun  souhaitait cuisiner et faire découvrir aux autres
Cette maison a vécu, elle a une histoire, elle continue à vivre et l'histoire se poursuit ; actuellement c'est Héloïse, notre fille, qui s'y est installée ; elle y vit une partie de l'année  pour tenir "le planté du bâton" bar à Plan Peisey qu'elle a ouvert cet hiver
Donc, les années passent, la famille s'agrandit, les projets prennent forme et l'amour de chacun pour la Vallée, Peisey et tout particulièrement Moulin se renforce au fil du temps. La maison de l'Arche est devenue, très vite, pour nous tous, la maison de famille, et nous aimons, été comme hiver, y séjourner (même si le temps manque et si l'éloignement limite les séjours) nous aimons retrouver Peisey, Moulin et tous ceux qui y vivent ou y séjournent...
La maison est, certes, comme d'autres vieilles  maisons   alentours, sombre. L'essentiel était de se protéger du froid, l'épaisseur des murs en témoigne. Mais l'été, le jardin fait le bonheur de tous, les groseilles y poussent à merveille, le terrain est favorable, et tous les amis et parents proches, qui ont aussi choisi de résider, à titre secondaire, à Peisey que ce soit au village, au vieux Plan ou entre deux, aiment à s'y retrouver et partager, au grand soleil, des moments familiaux, amicaux,  gourmands et festifs.

C'est donc la maison de l'Arche, maison aux mille  bonheurs pour chacun de nous et nous comprenons que les enfants ou petits enfants Orgeolet, ou certains d'entre eux, aient un pincement au cœur lorsqu'ils revoient cette maison qui a été pour eux aussi une maison du bonheur, riche en souvenirs. Si le temps passe, si la roue tourne, la maison de l'arche demeure "maison bonheur"


Texte de Catherine et Arnaud de la Hougue
                          (02 juillet 2011)

Source association Les Habitants de Moulin 
Exposition été 2011

lundi 18 juillet 2011

Comment dire les mille visages de Peisey-Nancroix ?

Comment raconter ses quatre villages, le Villaret, Peisey, Moulin et Nancroix?
Comment le dire non dans la nostalgie d’un passé qui ne reviendra plus, mais dans l’exercice d’une mémoire vivante? Comment évoquer la physique, cet art « noir » que, selon certains, les Peiserots pratiquent encore (La physique ou l’art de jeter les sorts et de les lever) ?
 Donat Silvin nous raconte les métamorphoses des années soixante lorsque l’or blanc apporte à Peisey la prospérité et des soucis nouveaux (L’or blanc, Histoire de Peisey-Nancroix), puis, du haut des Essarts, « l’autre monde », il fait l’inventaire des montagnettes de Peisey (Les montagnettes*). Et aujourd’hui, voici venir le temps du tourisme et d’un avenir incertain (Le tourisme : quel avenir pour Peisey-Nancroix ?)

Avec Geneviève Gaufillet-Baudin, nous revenons sur les traces des premiers Peiserots partis au milieu du 19e siècle en direction de la capitale où ils vont exercer le métier de bronzier. Ces nouveaux Parisiens reviendront au village et ramèneront avec eux les premiers touristes et les idées étrangères (Peisey à Paris).
Les premiers ou plutôt les seconds, les vrais premiers, ce sont les « conquérants de l’inutile », ceux qui ont, nous raconte Bernard Richermoz, sur les traces du berger Pocard, gravi les premiers sommets (Sur les monts tout puissants)
Les Peiserots devenus comédiens nous font revivre les temps de l’École des mines, lorsque Monsieur Schreiber en était le directeur… (Les mines de plomb et d’argent)
Gaston Impérial décrit une autre mine où plusieurs Peiserots ont laissé leur peau. Pour extraire l’anthracite, on a fait venir à Peisey de la main d’œuvre immigrée qui ne s’est jamais mélangée à la population et qu’on a vite oubliée (La mine d’anthracite).
Donat, toujours lui, évoque la religion populaire, lors du pèlerinage des Vernettes qui témoigne chaque 16 juillet de sa vivacité (La religion populaire). Il discute avec Jean Luquet , le directeur des archives départementales de Savoie, à propos d’une affaire criminelle survenue à Peisey en 1761 (L’affaire est dans le sac).
Avec Guy et Jeannot, nous accompagnons les vaches de Nancroix sur les pentes du col de la Chiaupe. Attention au dérochoir, là où les vaches peuvent culbuter (dérocher en patois) ! Nous nous installerons en fin de matinée au chalet. Vivre la haut c’est « voir » le village avec d’autres yeux. Tout en haut est différent : les rythmes, les paysages, les pensées, les rêves… (Emmontagner à La Chiaupe).
L’élevage des chèvres est devenu aujourd’hui une activité rentable alors qu’autrefois il était le parent pauvre : un enfant du pays Samuel Silvin et un étranger… d’Annecy, Thierry Jung, nous font partager leur passion (Élever des chèvres aujourd’hui).
Guy Baudin et Michel Gontharet nous font comprendre les métamorphoses du travail du bois, la fin de la criée, la construction des rizes pour faire flotter les bois, le travail spécialisé des bergamasques qui s’y connaissaient en poulies… Guy nous fait une démonstration des deux manières d’écorcer un arbre à la hache (Le travail du bois).
Pour saisir l’unité de cette Savoie aujourd’hui éclatée en plusieurs pays, il faut passer de l’autre côté, dans le Val d’Aoste où la polyphonie est encore vivante : Si l’amour avait des racines, je crois bien que j’en planterais…  je crois bien, oui, oui, oui, je crois bien, non, non, non, je crois bien que j’en planterais… (Le jour des conscrits).
Saluons, au hasard de nos promenades, les dames de Peisey coinchées et cornettées et portant sur leurs épaules la fierté familiale (Le costume*), et arrêtons-nous pour parler la langue des dieux, (Tant que la langue vivra*), avec Alice, Marcelline, Donat et José (Peisey et Tignes : Donat, Marcelline et José…)
Et notre évocation de Peisey ne serait pas complète sans cette ballade avec mon voisin, Thierry, à la recherche de cette dame mystérieuse, la girolle… (Ballade aux girolles*)
La mémoire au présent s’invente une métamémoire qui explore l’autre côté du miroir pour nous parler de l’ancien futur, de ce temps qui viendra lorsque « la voie sera à nouveau ouverte ».
Et que la montagne nous garde !
* Les titres suivis d’une étoile figurent dans d’autres dvd (Pourtant que la montagne est belle, Tant que la langue vivra, dvd vendu avec Le trésor de la langue peiserote, Archives de Peisey-Nancroix (à paraître))

Michel Boccara , Juillet 2011
Un coffret de trois dvd comportant douze films
à paraitre en août 2011





lundi 4 juillet 2011

Notes pour la monographie de Peisey-Nancroix


Le nom de Peisey vient du mot romain « Pesetum », c'est à dire un lieu ou abondent les sapins rouges dits « épicéas ».
Nous trouvons la paroisse de la Trinité de Peisey mentionnée dans une lettre du Pape Eugène III en sa faveur ( 1145 ).
Parmi les liberarlités de Charlemagne en faveur du diocèse de Tarentaise ( 810 ) Peisey est inclus comme paroisse bénéficiaire.
Des ouvrages traitant de la dévotion mariale en France et, semblant s'appuyer sur des sources sérieuses mentionnent qu'au moment de la guerre contre les Lombards ( 753 ), Pépin le Bref inspectant les cols de montagnes et se divertissant en chassant l'ours, s'égara au lieu dit «  la Fontaine ». Il y rencontra un ermite près d'un oratoire et fit un don. Le passage de ce roi des Francs serait immortalisé par le nom de « Pépin » donné au glacier et un plateau sur le territoire de Peisey. Cet ermite devait probablement remplacer les Druides ( archives Nationales ) car notre vallée était habitée avant le Christianisme.
Toutes les hautes vallées de Tarentaise, dès qu'elles furent habitables, cultivables et exploitables, accueillirent les Centrons. Peuplade celtique, d'origine gauloise, elle avait hérité de toute la structure familiale, sociale, religieuse... et ingénieuse des Gaulois. Un historien du siècle dernier ( 19è siècle ndlr), Ducis, nous signale que Peisey était déjà un centre de travaux miniers.
Parler de Peisey et de ses mines de plomb argentifère, c'est aussi lui allier les mines de la Plagne de Macôt. D'immenses galeries, en partie éboulées et allant jusqu'à Champagny nous ont révélé, par la découverte d'outils romains, qu'elles étaient exploitées dès avant le Christianisme. L'hypothèse d'une galerie reliant la Plagne de Macôt à la mine de Peisey n'est pas à négliger ?

Si la chasse fournissait des morceaux de choix à nos ancêtres, ceux-ci vendaient du fromage, « le vatusicum » à leurs voisins. Ce fromage devait être tout simplement la Tomme actuelle ou mieux, le Beaufort. Pline, écrivain romain, mentionne ce commerce.

Le culte des eaux, de temps immémorial aux Vernettes, avant le culte de la Ste Vierge (rappelons-nous du nom Aximus : dieu de la fontaine au génie vivifiant – de là : Axima = Aime) ; la longue méfiance des évêques pendant des siècles, au moins de 443 à 1680, envers ceux qui vénèrent les fontaines ; la proximité d'un dolmen à Macôt ( lieu-dit les Frasses ), des amoncellements de pierres dans la montagne entre Peisey et Hauteville, les feux de la St Jean, tout cela d'origine celtique, sont des témoignages en faveur de l'influence druidique à Peisey. Certains autres petits détails superstitieux sont loin d'infirmer cette brève énumération.

Enfin, le dieu des forêts, Sylvain, devait être invoqué, comme le dieu Pan, dieu pastoral. Les vestiges romains de l'ancienne basilique d'Aime sont très révélateurs. En tenant compte des modifications orthographiques les très nombreux noms de familles Silvin ( à Peisey ), Sylvestre ( Canton d'Aime ) ont certainement une origine gallo-romaine !

L'influence romaine se retrouve dans deux noms : Villaret = Villa= maison de campagne, et aussi le Pont Romane à Nancroix. Il y a d'autres noms de lieux dont l'origine est latine mais ils ne suffisent pas à prouver la présence romaine.

Au Ve siècle la Tarentaise est envahie par les Burgondes, peuplade germane, et ainsi se fonde le royaume de Burgonde ayant pour capitale tantôt Lyon ou Vienne. On n'a pas de détails au point de vue local. Période bouleverséee où la Savoie est partagée entre les Francs et les Wisigoths. Comme repaires, l'influence germanique de noms dans la région : Montandry, les Auventes, Nant, Landry etc …

Les noms de Richermoz, Gontharet dont nous parlerons plus loin sont d'origine germanique. Un autre nom peut attirer plus spécialement notre attention : Villibord - comme d'autres noms ( Ougier au Ve siècle Ogier, nom franc – Coster, costergins, Costerg, nom hollandais ) - Willibrod naquit en 658 d'une famille noble anglo-saxonne. Il fut moine en Ecosse, Island et vint en Allemagne, en Italie, en Belgique et pays franc etc... Ce fut un grand itinérant. Il baptisa Pépin le Bref en 714. Il envoya des moines un peu partout pour fonder des ermitages. Comme j'ai trouvé mentionné 3 fois vers 753, la présence d'un ermite écossais près du lieu des Vernettes, on peu échafauder quelques hypothèses. St Willibrod étant mort en 739 à Rohternach ( duché du Luxembourg ) et canonisé en 75O, des moines ont peut-être fait connaître le nom de ce saint dans le pays et fut-il adopté par des personnes ? Autre hypothèse : St Willibrod ayant des frères dans l'armée franque et même des alliances familiales avec la dynastie, un membre de la famille est venu dans le pays ?

Sous le règne de Charlemagne, le diocèse de Tarentaise fut érigé ; Peisey était déjà paroisse. Elle devait être désservie par Landry, dépendant du prieuré d'Aime ou de Bellentre. L'église devait se trouver où elle est située actuellement, mais avec des dimensions bien plus modestes.
Vers 900, les Sarrazins envahissent le Piémont, la Maurienne et la Tarentaise. Les nobles, les archevêques de Maurienne et de Tarentaise et du Valais les combattent, mais en vain. La basilique d'Aime fut détruite et notre région ne fut pas épargnée. D'après une vieille tradition, une cloche de 1517, au clocher de Peisey, appelée « la Sarrasine » perpétue le souvenir de l'époque où les gens fuyant les envahisseurs se réfugiaent dans les montagnes. Enfin près de la Mine, il y aurait un cimetière sarrazin.
Pendant 40 ou 50 ans les Sarrazins occupèrent le pays. Il est possible que peu à peu ils s'assgissent et firent bon ménage avec l'habitant ! Ce n'est pas la première fois dans l'histoire. On croit même qu'ils travaillaient aussi les mines ? Ce qui est pus certain, c'est qu'ils importèrent la culture du blé noir, dit « sarrazin ».

Finalement, chassés de la Savoie, peu à peu la vie s'organisa avec plus de calme. On reprit la vie ordonnée des montagnes et, sous l'impulsion de l'archevêque de Tarentaise qui pratiquement était le grand seigneur de la région, les paroisses s'organisent. Au XIIe siècle Peisey dépendait, pour le spirituel, de l'archevêché de Tarentaise, et, pour la dîme de la maison archiépiscopale.
Dans la cour du presbytère de Peisey, le bassin a les marques très nettes d'un ancien baptistère du XIIe siècle. ( voir dictionnaire d'archéologie religieuse)

par F. Pelardy Prêtre ( juillet 1966 )

lundi 28 février 2011

Les artisans de Moulin au début du 20e siècle


Les moulins

Il existait deux Moulins: l’un, le » moulin de Madeleine », avant le pont qui était plus bas à l’époque, ruine remplacée par un chalet et l’autre, après le pont, le « moulin à Rosat », devenu résidence secondaire de la famille Thomas.


Le canal

Le torrent était dérivé en amont par un canal qui amenait l’eau sur le moulin, la forge et la scierie fonctionnant tous avec l’énergie du Ponturin. Ce canal, qui traversait le chemin, était couvert de pierres plates et commandé par une vanne. Il arrivait d’abord dans « le trou à Gaude », sorte de sablière où se déposait le gravier charrié par le torrent. Les Moulinots venaient acheter ce sable noir à Joseph pour de petits travaux de maçonnerie.
Puis l’eau allait actionner la meule du moulin et le pétrin. Ce moulin était un bien communal qui servait aussi de boulangerie.


Les céréales

Les paysans cultivaient du seigle et de l’orge, un peu d’avoine, mais il fallait la semer tôt pour la voir mûrir, et que le temps soit beau. La moisson avait lieu en aout, à la St Barthélémy, même si le seigle, les années de pluie, n’était pas très mûr. S’il ne mûrissait pas, c’était une année de misère comme en 1816 où la neige n’a pas fondu au-delà de 2000m, les pommes de terre restant aussi minuscules. Avant de le couper, on semait les graines de raves qu’on piétinait en le ramassant. On dressait des gerbes qu’on ramenait et battait en septembre au fléau sur la place, ce qui attirait les enfants. Ou sous la voûte de la maison Orgelet quand il pleuvait. Quand la moisson était particulièrement bonne, des italiens venaient aider en novembre. Un des derniers batteurs fut le T’chin. Il battait seul, un dur labeur, et portait une longue barbe qui faisait peur aux enfants. Les grains étaient ensuite passés au tarare pour isoler la balle, tout comme les fèves pour lesquelles on mettait une grille plus grosse et ronde. Dans les maisons, on stockait les céréales dans de grands coffres en bois.


Le moulin

Comme nous le raconte Suzanne Colin, chacun apportait son seigle « au moulin à Rosat » en février, dans des petits sacs en toile blancs marqués aux initiales de la famille. Chaque sac plein, le » bichet », servait de mesure et contenait 11kg de grain qui donneraient 7 pains bombés et ronds, et du son pour les poules qu’on devait payer. Ces sacs servaient aussi à acheter les pâtes, le riz, la polenta, les lentilles, les haricots. Depuis Nancroix, on les descendait sur des luges.
Dans le vieux temps on cuisait le pain en novembre pour toute l’année. Si bien, qu’on devait le fendre à la hache et qu’il se trouvait souvent moisi. On devait le faire tremper dans la soupe, le lait ou le sérac pour le manger. Dans les maisons, les pains étaient disposés sur des claies, sous le plafond, loin des souris. On les descendait avec un râteau.
Plus tard il fut dit qu’on pouvait le cuire jusqu’à ce qu’en mai, le seigle fleurisse à nouveau dans les champs. La farine d’orge servait à nourrir les deux ou trois vaches, et le cochon ; l’avoine, le mulet.
Le surplus de farine servait à confectionner le pain de ceux qui n’étaient pas cultivateurs. Le pain cuit était stocké dans la maison de Claude Maurice, au bord du village, et les gens le récupéraient en passant avec le mulet. Et » Glaud Mui » disait voir passer » toute la commune devant chez lui ».

En 1912, une avalanche, descendue pendant la nuit, ensevelit le moulin et son meunier Gustave qui n’avait rien entendu et trouva la nuit bien longue. Son aide le découvrit, tout étonné, après avoir dégagé la neige avec les voisins. Cette histoire court encore.


On montait deux marches pour entrer dans une pièce où on vendait le pain. Le four était derrière et la meule au bout. Henri Rosat, le meunier, était un petit homme aimable. On ne voyait que ses deux yeux bleus dans son visage enfariné. On pouvait choisir un pain dans le four et l’emporter encore chaud. Il faisait aussi des brioches à la praline les dimanches.
Il y avait toujours à boire près du four pour étancher la soif et ceux de la scierie ne s’en privaient pas. La table où on pesait et payait le pain, supportait aussi des verres. Et ceux qui, revenaient de la forêt, ainsi que le garde champêtre s’arrêtaient là pour boire avec le boulanger. On faisait la fête.

Puis la mode est venue au pain blanc et on fit rentrer de la farine de blé blanche. Il était impossible de faire pousser du blé en montagne. IL « périssait ».Au début un gars d’Aime ramenait des couronnes qu’il déposait à Peisey chez Baptiste Garçon (Maison de Gérard Richermoz) pour les bronziers qui venaient de Paris en vacances. Puis Henri se mit à faire des couronnes
Il fabriquait aussi des crèchens pour les rois, mardi-gras et le quinze août avec le beurre du « fruit commun ». Les conscrits payaient la crèchen aux conscrites et s’en allaient danser chez Jean, à l’hôtel Villiod.

Raymond Rosat, le fils d’Henri, essaya de reprendre le moulin, mais il tomba malade.
Ce moulin est actuellement la propriété de la famille Thomas qui l’a acheté à la commune.
Il n’y a plus de boulanger à Moulin, ni de moulin. Seul le nom demeure.


La forge

Autrefois, pendant 4 générations, les ancêtres de Donat Silvin ont été forgerons de Moulin, dans la cahute qui fait face à sa maison.
Entre le moulin et la scierie, était aussi une petite forge dont on peut encore voir des murets en ruine adossées à la montagne sous les arbres, la forge à Debernard. Son soufflet était actionné par l’eau.

Son fils Charles, aussi forgeron, s’est installé de l’autre côté de Moulin, sous la route, là où s’élève actuellement la maison d’Edouard Silvin. Sur le grand mur actuel, était un emplacement pour deux chevaux, surmonté d’un local en bois où étaient stockées des barres de fer. Les livreurs de ferraille déposaient leur chargement au rez de chaussée d’un autre local au milieu du village (actuellement maison Vuillerme). Il était ensuite transféré à la forge.
Charles, petit homme moustachu, était aussi maréchal ferrant. Il y avait alors 60 chevaux et mulets à Peisey et l’on venait de Landry et Hauteville sur rendez-vous pour les ferrer. Ulysse Poccard Marion se souvient de leur pas incessant dans le chemin qui descendait à la forge. Charles prenait un commis pour la fabrication des fers, qu’il empilait autour de chez-lui.
Il faisait des pioches de jardin et de chantier, des coins pour fendre le bois, des pinces articulées rivées. Il ressoudait les manches des casseroles, appointait les pioches. Il possédait une meulerie pour affûter les outils. C’est lui qui réalisa la barrière et le portail en fer de la maison Clément, ainsi que le triangle utilisé par Louis Peraillon, le cantonnier, qui ouvrait le chemin en hiver.

Il était aussi accordéoniste ! Il accompagnait les cortèges et animait de petits bals. Chez Séraphin Poccard pendant la guerre, chez Camille Gontharet à Nancroix, à la St Jean chez Brunes…Un peu partout !

Edouard Silvin a tout démantelé pour faire sa maison.


La scierie

Après avoir actionné le soufflet de la forge, l’eau continuait vers la scierie pour faire fonctionner «  la battante » et la scie circulaire Elle passait sur une roue à godets qui faisait monter et descendre la scie et avancer les billots.

Ernest Gontharet et Joseph Gaude achetèrent cette scierie à Eugène Favre, père de Lucienne Villiod.
Ils s’occupaient des sapins et des mélèzes du bois d’affouage, les débardaient et enlevaient l’écorce avec une hache. Ils coupaient des poutres, des voliges, des lambourdes. Le travail était soigné et on venait de Chambéry acheter des planches. Avec le frêne, on fabriquait des « lugeons ».
Parfois, des jeunes « faisaient » un arbre qu’ils coupaient à la hache et vendaient les billots à Ernest et Gaude. Ils se faisaient ainsi un peu d’argent pour la fête des conscrits.

Les gens venaient aussi chercher la sciure qui servait de litière aux vaches.
Marcelle, la fille de Gaude, adorait y jouer et passait son temps à jeter, entasser et balayer cette sciure plus fine que du sable et qui sentait si bon. Zoé, sa mère, y a même caché du linge et des draps pendant la guerre, pour les soustraire aux allemands qui réquisitionnaient tout.
L’hiver y était rude car la scierie était ouverte à tous vents. Alors les hommes allaient se réchauffer au troquet du moulin et rentraient souvent avec » un verre dans le nez ». La vie était dure
.
Un jour des années 50, le petit Michel Villibord est allé à la sciure et s’est fait prendre à la tête dans la machinerie. On dut le trépaner.

Pascal Trésallet, plus tard, a installé une scierie au bord de la route, à la sortie de Moulin vers Nancroix. Maintenant, il est retraité.
Quant à la vieille scierie, achetée par la famille Bernard, elle est devenue aussi une résidence secondaire.

La fruitière 

Ancienne école mixte de Moulin, qui recevait une vingtaine d’écoliers et fut fermée au début du 20ème siècle, elle est l’actuelle maison de James Poccard. La fromagerie fonctionnait de fin janvier à mai.

Le fromager, souvent formé à l’école fruitière de Boug St Maurice, y recevait toute la production de lait de Moulin, qu’il transformait en Beaufort. Souvent ce fruitier était de Peisey, comme Michel Gontharet, Jeannot Jovet ou Joseph Anxionnaz, son neveu Fernand et d’autres; mais une année vint un certain Henin qu’il fallut loger. Le grenier de la fruitière s’avéra très froid et ce fut Yvon Colin qui dut l’héberger.

Le fromage était affiné en sous-sol où coulait un filet d’eau et aussi chez Charles Debernard qui recevait 100 meules dans sa cave de 9m de long. On les mettait sur des étagères où elles étaient régulièrement salées et retournées.
Puis des marchands venaient traiter le prix au kilo après avoir vu le fromage, qui était livré « tout frais » au bout de trois mois.

On avait instauré « le jour du fruitier ». Il devait être nourri par les familles selon le lait apporté. Le matin, une famille lui portait le casse-croute, puis lui offrait les repas de midi et du soir à la maison, repas que l’on améliorait, mais qui étaient vite avalés pendant que le lait caillait. Les familles avaient des numéros et le secrétaire faisait les comptes. Comme chaque famille possédait en moyenne 3 vaches, Silvin Marcellin, qui en avait 7, devait plus de jours. Hénin aimait bien manger chez Zoé Favre, car il y mangeait de bonnes choses qu’il ne trouvait pas ailleurs.

Cette fruitière fut abandonnée quand on regroupa toutes celles des hameaux à Peisey. Maintenant, les fruitières sont dans la vallée, à Aime et Bourg St Maurice. Les grands éleveurs font eux-mêmes leur beaufort, le portent dans la vallée ou le vendent aux touristes dans la station.
. Les tommes et le beurre étaient et sont toujours des productions familiales. Toutefois, le lait trait en hiver est aussi converti en yaourts, raclettes…

Petit artisanat

Alphonse Trésallet, dans la maison actuelle d’Alain Richermoz, fabriquait de petits ustensiles en bois : des auges, des seillons pour donner à boire aux veaux ou traire les vaches, des baquets pour la lessive, des berceaux, des barattes hautes…
Son fils Henri prolonge le travail de son père et vend sa production à l’Ancienne fruitière de la côte d’Aime.

Les maisons qui ont toutes près de 300 ans, se construisaient en « solidarité » et les charpentes étaient préparées en hiver.
En hiver aussi, des jeunes s’embauchaient pour extraire des pierres aux « pierres du Ceris », près des amis, et à Glaise, qu’ils tiraient sur des traineaux. Elles servaient à faire les maisons et à entretenir les routes.

Chacun fabriquait ses outils : dents de râteau, petits seillons, ballets, manches de pioche. Certain avaient leur spécialité.


Le café-épicerie des Rosat

Sis dans l’actuelle maison de la famille Watteau, le café était une petite pièce dans l’entrée, meublée de deux ou trois tables. C’était le lieu des jeunes !

L’épicerie était à coté dans celle de la famille Lluansi. C’était un endroit humide et frais, propice à une bonne conservation des victuailles où l’on entrait par un long corridor sombre qui effrayait les « croés ». Elle donnait sur l’arrière, séparée par un rideau qui cachait un coin où dormaient les enfants. Dans la grande cuisine, à droite, marchait en permanence un fourneau qui arrivait à peine à chauffer.

Zoé Rosat, la tenancière, dite « La Rosate », était une belle femme, débrouillarde qui rendit bien des services aux villageois pendant la guerre. Entre autres, elle avait encore des crayons pour les écoliers. Marceline Silvin, femme de Donat, la coiffait et elle était toujours avenante bien qu’elle eut de nombreux enfants à s’occuper, et des chèvres, des cochons, des lapins, des poules…Elle ouvrait à 7h30 le matin et fermait tard le soir.
Mr Brunet d’Aime venait lui livrer en gros le vin et les denrées avec sa camionnette.

La plupart des produits se vendaient en vrac. Ils étaient placés dans de grands tiroirs en bois ou dans des sacs de jute qui n’étaient à l’abri ni des araignées, ni des souris. Certains achetaient le sucre par sac de 25kg. Il faut dire qu’à cette époque le sucre était considéré comme un fortifiant. On en mettait beaucoup dans le café au lait qui se préparait pour 3 jours : on portait à ébullition un peu de chicorée dans un grand faitout, à laquelle on ajoutait le café, le lait et le sucre. Une famille possédait même une petite marmite à cet effet. Les enfants déjeunaient aussi avec du Phoscao.

Quand on désirait de l’huile, on devait apporter une bouteille. On transportait pâtes, riz, polenta, lentilles dans des bichets, sacs de toiles blancs.
On y trouvait de la morue, fort appréciée à cette époque, des boites de pilchards, de sardines, de pâté, de corned-beef, de la limonade et de la bière. Et toutes sortes de friandises : des Mazet, (bonbons aux fruits pliés dans du papier, spécialité de Chambéry), qu’on mettait dans sa poche avant de partir aux champs, du pain d’épice en forme de cœur, du bois doux et des rouleaux de réglisse, du chocolat, de la confiture.
Même un jour, quelqu’une dît que la confiture de fraise était vendue au prix de la compote de pommes et chacune de s’y précipiter. Bien que les femmes fassent des confitures de tous les fruits de la nature : de myrtille, de framboise, d’épine vinette avec de la courge…
Plus tard on y achetait aussi le pain si on ne voulait pas descendre jusqu’au moulin. « La Rosate » ne vendait ni viande, ni légumes et encore moins de lait. Le lait, la volaille étaient difficiles à trouver pour les touristes encore peu nombreux. Il n’existait pas non plus de boucherie. Il fallait s’adresser aux cultivateurs. Chacun pouvait tuer un veau, surtout le cochon, et cultivait ses légumes (pommes de terre principalement, choux raves, carottes, poireaux, petits pois, betteraves rouges, choux, navets, les fèves placées au bout des champs pour retenir la terre).
Parfois elle vendait des œufs qu’on lui apportait mais seulement si on n’en voulait pas trop cher, et quelques saucisses en hiver.

Les femmes qui rinçaient leur linge au bachal surélevé devant l’épicerie entraient pour se réchauffer les doigts et tailler la bavette. C’était un lieu convivial, le cœur du village, où plus tard, l’on vint aussi téléphoner et regarder la télévision.

La cordonnerie

Dans la maison où vit maintenant Marie-Claire Gontharet, son grand-père, Edouard Baudin, exerçait le métier de cordonnier en même temps que celui de facteur. Il réparait les galoches, les harnais de mulet, les colliers pour les cloches des vaches.

Le câble

Il existait un câble entre les Esserts et Moulin, qui permettait de descendre le foin dans le hameau. Les barillons arrivaient sur les prés fauchés, dans le tournant de la route vers Nancroix, actuellement la scierie de Pascal. Le buttoir était près d’une petite cabane qui protégeait le mécanisme Quand ils entendaient le sifflement du câble, les croés se précipitaient pour le regarder fonctionner. C’était une attraction.
Il en existait un autre au fond de la vallée entre Les Loyes et la Gura, du temps où l’on fauchait encore si haut. Jeannot Jovet se serait fait descendre comme un barillon, sans dommage puisqu’il y avait un contrepoids qui stabilisait le trajet.
Le foin, transporté vers les granges avec le mulet, était mis en vrac, salé et retourné pour qu’il ne fermente pas.


 
© Association " Les Habitants de Moulin ", juillet 2009




lundi 21 février 2011

L'orgue de l'église de Peisey


Date de la construction : 1773

Facteur  : Joseph Ramasco Sagliani d'Andeno

Buffet  : Style Louis XV
              hauteur  : 3,80 m
              largeur  : 2,20 m
              profondeur  : 0,90 m
              emplacement : sur la tribune du portail principal

Composition  : jeux 6 ½
                          fonds 5 ½
                          mutation 1
                          un clavier de 45 notes
                          un pédalier de 8 notes

Grand orgue  : principal 8
                          flûte 8
                          bourdon 8
                          voie humaine 8 (S)
                          octave 4
                          fournitures

Pédalier  : basse 8

Transmission  : mécanique

Soufflerie  : à bras

L'orgue a été réparé en 1860 par Michel Trésallet de Peisey qui ajouta un pédalier avec Basse 8 en bois. La voix humaine ( S : 36 notes ) est à bouche et non à anche, discordée vec le Principal 8.

in « Orgues savoyardes » E. Perrier de la Battue, 45 pp, 1930

Peisey et son église


Peisey est un petit village situé en tarentaise, à l'intérieur de la zone périphérique du Parc national de la Vanoise.

C'est un centre de courses en montagne, qu'il s'agisse d'alpinisme ou de ski, qui est relié directement à la station de Bourg-Saint-Maurice – Les Arcs. ( aujourd'hui,avec La Plagne, domaine Paradiski )

Il est célèbre surtout par son église paroissiale au svelte clocher qui renferme l'un des plus beaux carillons de Savoie. L'intérieur de l'église avec un magnifique rétable est un pur joyau de l'art baroque du XVIIe siècle. Cette église Possède également, autre merveille, un orgue historique aux sons étonnants.

Si la paroisse de Peisey existait dès le XIIe siècle, ainsi qu'en témoigne une Bulle pontificale du pape Eugène III qui date de 1145, l'église actuelle a été construite entre juin 1685 et octobre 1687 pour le gros oeuvre. L4embellissement intérieur a été échelonné jusqu'en 1699.

La vallée du Ponturin et les « communiers » étaient riches en ces temps-là : vente de fromage et de bois, commerce du bétail, travail du bronze et artisanat. Le millier d'habitants de Peisey dépensa en 15 ans l'équivalent de 300 000 de nos francs actuels pour son église, (45 348 € ), soit :

  • 4 550 florins pour le gros oeuvre,

  • 5 000 florins pour le rétable du maître-autel,

  • plus de 2 000 florins pour les autels latéraux,

  • 300 florins pour la vitrerie.


A cela il convient d'ajouter ultérieurement l'acquisition de l'orgue en 1773 et la construction ou l'embellissement de chapelles :

  • Sainte Madeleine à Nancroix

  • Saint Grat aux Moulins


  • Saints Pierre et Paul au Villaret

  • Notre-Dame de Beaupraz

  • Sainte Marguerite à la Chenary

  • Saint Jacques à Pracompuet et surtout

  • Notre-dame des Vernettes, célèbre par sa fontaine miraculeuse et son pélerinage du 16 juillet.


Après avoir suivi une restauration générale en 1868, le rétable du maître-autel a été rénové en 1963.

Donat SILVIN, notes pour la visite de l'église de Peisey

vendredi 18 février 2011

La chapelle de Moulins


C'est la plus grande, et surtout, la plus ancienne de la vallée de Peisey-Nancroix, puisqu'elle date du 15 ème siècle (1449). Pendant la reconstruction de l'église paroissiale de Peisey (1685-1689), elle servit pour les offices.

Elle a d'abord été dédiée à Saint Grat. Cet évêque de la vallée d'Aoste fut chargé par le pape daller en Israël chercher et ramener la tête de Saint Jean-Baptiste. Un moine, ayant eu une vision, affirmait qu'elle avait été jetée dans un puits à un endroit précis. Il l'a trouvée et rapportée à Rome. La machoire inférieure est actuellement à la cathédrale d'Aoste dans une chasse en argent. Le souvenir de cette expédition est représenté par des tableaux peints sur les murs intérieurs de la chapelle du village de Vulmix, au-dessus de Bourg-Saint-Maurice.

Par la suite, Sainte Agathe qui fut choisie comme patronne du village de Moulins et fêtée le 5 février. C'était une jeune fille de Sicile devenue chrétienne et martyrisée pendant les persécutions romaines : on lui arracha les seins.Ces deux saints sont peints sur le retable de l'autel de chaque côté de Saint Michel terrassant le démon. La statue en bois a été scultée à Lyon dans les ateliers Monteilhet Jeune et offerte au village par deux soeurs Villibord de Moulins (Marie-Catherine et Claudine). L'installation eut lieu le 3 juillet 1870 par une grande procession depuis Peisey et ce sont les jeunes filles de Moulin qui l'a portèrent, en costume local. Ce fut une très grande fête.

La statue de Saint Joseph à droite de l'autel est de la même époque. Les tableaux du chemin de croix furent installés le 5 février 1902 par le curé Alexis David-Vaudey à l'occasion de la Sainte Agathe.. La cloche fut refondue par Jacques Mérandon du Villaret et bénite par le curé J.M. Moris le 23 novembre 1837. A

La cloche de Moulins

Les deux frères Villibord Maurice-Augustin et Laurent-Martin, procureurs de la chapelle, ont fait refondre la cloche par Jacques Mérendon du Villaret. La cloche fut bénite par le curé J-M Moris le 23 novembre 1837. Son poids : 124 livres.
Les frères Villibord furent procureurs de la chapelle jusqu'en 1859. Ils ont fait refaire le toit de la chapelle et le clocher. Ils ont fait replacer la partie supérieure de l'autel qui était tombée, construire un plancher superposé sur un pavé de dalles, recrépir les murs, réparer les murs de clôture: frais couverts par les rentes de 2 capitaux et les offrandes des fidèles.

Chemin de croix de la chapelle de Moulins

Erigé le 5 février 1902 (fête de la Ste Agathe) par le curé Alexis David-Vaudey. Après la permission donnée par le Vicaire Général Joseph-Emile Borrel, en date du 25 octobre 1901. Suite aux facultés données par le Maître Général de l'Ordre des Frères Mineurs le Rd Louis-Aloyse Lauer, en date du 15 juin 1900.



Inauguration de la statue de la Vierge
Récit du curé Mérendet,
Dimanche 3 juillet 1870

Cette statue, scultée sur bois et dorée, sortant des ateliers de Montheilhet Jeune à Lyon est dûe à la généreuse piété des soeurs Villibord Marie-Catherine et Claudine (de feu Laurent) du village de Moulins.
La cérémonie d'installation eut lieu le 3 juillet 1870, un dimanche soir. La statue, placée sur un brancard décoré avec goût, était elle-même comme encadrée dans une riche et élégante guirlande agencée par une personne du village à laquelle on doit un grand nombre d'objets de ce genre.

Après la bénédiction de la statue à l'église, selon le rite prescrit et en vertu de l'autorisation de Monseigneur L'Evêque, vers les 2 heures de l'après-midi, on se mit processionnellement en marche au chant des Vèpres de la Vierge.
La statue fut portée en triomphe par des filles du village de Moulins, costumées avec goût, qui se relevaient le long du trajet. A moitié chemin s'élevait un riche reposoir où l'on déposa la statue pour l'encenser et pendant ce temps, de jeunes enfants en habits blancs, lancèrent à l'envi des fleurs et chantèrent avec ensemble admirable des cantiques à refrain.

La procession reprit sa marche par un chemin maintenant jonché de mousse. A quelque distance de la chapelle du village, les murs et les maisons disparaissaient derrière les draperies tendues sans solution de continuité où l'on voyait apparaître toutes sortes d'objets religieux.

A l'entrée du village, des jeunes gens du même hameau voulurent partager l'honneur du convoi. Rien ne peut rendre l'entrain avec lequel ils élevèrent sur leurs épaules ce précieux fardeau pour aller le déposer sur un trône élevé dans le choeur de la chapelle. Inutile de décrire l'arc de triomphe artistement construit à l'entrée de la chapelle.

Les hymnes de l 'Eglise en l'honneur de la Vierge et des cantiques alternés par des voix mâles et enfantines tinrent pendant plus d'une heure, au milieu d'une épaisse fumée de pur encens, toute la nombreuse assistance, dans une espèce de ravissement et pieux recueillement.

Quelques paroles émues furent prononcées par le Pasteur présidant la cérémonie, au milieu du plus profond silence. Le village fut consacré à la Sainte Vierge : qui veut bien y résider désormais.

Dans la petite allocution on n'oublia pas les pieuses donatrices, les organisateurs de la fête, en particulier les deux procureurs de la chapelle à qui revient une bonne partie du mérite de cette fête.

Mérendet. Curé.

Note : la statue de la Vierge pour la chapelle de Moulins a été commandée avec celle de Saint Joseph : 240 francs les deux, le 24 octobre 1869, plus 100 francs pour l'achat d'un ornement rouge. Cet ornement rouge est un don de Jourdan Anne-Marie, de Moulins.

jeudi 3 février 2011

Mon village en automne


J'aime Peisey en automne, Peisey débarrassée des touristes, qui frissonne et s'endort dans le brouillard.
J'aime me promener dans ces ruelles étroites laissant venir à moi tous les bruits, tous les mouvements qui m'entourent. Ici, c'est le bruissement des feuilles mortes, là le jappement d'un chien, un peu plus loin, le carillon du clocher que je ne peux voir mais devine tout en haut du village.

Soudain, l'odeur forte et chaude d'une étable s'échappe d'une ouverture, mon nez insensible à cause du froid, un instant se réveille. Il reconnaît alors la fumée d'un feu de bois, l’odeur annonciatrice de la neige.

Je me dirais « ça sent la neige » ; cette réflexion fait toujours rire mes amis de la ville.

J'imagine le bétail, J'imagine ces gens qui, paysans ou non, profitent de novembre pour bricoler chez eux, lire, écrire ou rêver. Certains m'auront apperçu dans mon errance. Un rideau qui retombe sur une fenêtre embuée sera le seul signe, discret, qu'ils portent à l'extérieur. J'aime la différence qu'il existe entre la lumière palotte du soleil et les lumignons des réverbères, petites étoiles qui m'indiquent un chemin à suivre, celui de la maison, de la soupe chaude.

Et après un tel week-end, Je reprends la voiture. Je regagne Paris, non sans regrets, Je vous l'ai dit, j'aime tant Peisey dans le froid et la brume.

© Laurent SILVIN, 1995
 

Le rebouteux


« Vas voir le père Jovet ! »

Combien de fois ai-je entendu ce conseil ? Des dizaines, des centaines de fois peut-être ? Ces quelques mots résonnent encore en moi. Jusqu'à réveiller une ancienne douleur, s'ils reviennent trop souvent ou trop intensément. Pourtant le Père Jovet était un brave homme qui aimait la vie et les hommes aussi. J'en veux pour preuve les nombreux soulagements qu'il a apporté aux bras, épaules, chevilles et poignets souffrants. Bref, il était notre sauveur, connu de tous, même des vacanciers.

J'ai eu maintes occasions de le croiser dans mon enfance mais une seule retient aujourd'hui toute mon attention. Ce jour-là, nous jouions au foot avec François. Notre terrain était la ruelle « des quatre fumiers », récemment goudronnée (la route des mouilles). Faute d'avoir un vrai ballon, nous avions choisi une balle de tennis jaune. C'est l'été, nous sommes en petites sandales. Soudain, c'est le drame, mon pied passe à côté de le balle mais n'évite pas le bitume. Ça fait mal !

Parcourir les cinq cents mètres qui séparaient les deux villages fut pour moi un véritable enfer. Je parvins enfin devant la maison du vieil homme. A temps ! Il comprit très vite la situation et me fit entrer dans la cuisine. C'était une cuisine comme il n'en existe plus à notre époque. La télévision l'avait d'ailleurs immortalisée. Dans un angle, il y avait un banc sur lequel il me fit asseoir. La pièce était grande, un peu sombre, car elle permettait de loger bêtes et hommes. Ceci avait l'avantage de conserver une agréable chaleur l'hiver mais aussi une très forte odeur des bovins, volailles et autres animaux de ferme. Seul le cochon avait droit à une pièce à part.

Louis Jovet me demanda de quitter mes sandales. Pendant ce temps il se lava les mains, dans l'évier écaillé, au savon de Marseille. Sa femme lui prépara la motte de beurre et mit à tremper, dans l'eau chaude, des serviettes. Lorsqu'il approcha ses mains de mon pied, je serrais les dents. Elles me semblèrent énormes. Elles étaient surtout habituées aux durs travaux des champs, aux tâches agricoles. Je ne saurai dire si le beurre y était pour quelque chose mais elles se firent douces, voir agiles. Avec fermeté, il me reprit le pied. Cette fois-ci, il ne fut plus question de bouger. D'un geste rapide, impossible à décrire, il remit en place mon gros orteil.

Une douleur vive, aigue ! Une douleur qui vous force à hurler ! Une douleur qui fit naître des larmes dans mes yeux d'enfant ! Et puis, le linge chaud et humide pour les sécher. Simplement, Madame Jovet enveloppa alors mon pied douloureux. Petite action, grand réconfort ! Dans des propos mi-patois, mi-français, son mari tentait de me rassurer. J'avais eu mal mais demain tout irait mieux. Je pourrais poser ma jambe au sol et même rejouer au foot avec mon copain François. Personnellement, j'en doutais mais ne demandais qu'à le croire. Dans l'instant, j'avais toujours mal.

Enfin pourquoi douter, les anciens du village, les touristes également, n'affirmaient-ils pas tous, et unanimement :
«  il n'y a pas meilleur comme rebouteux, dans toute la vallée, que le Père Jovet. »

 
© Laurent SILVIN, 19 mai 1995

lundi 24 janvier 2011

Donat Silvin nous a quitté...


Donat était un grand monsieur connu de tous dans la Vallée de Peisey. On le surnommaitamicalement " la mémoire vivante de la vallée ". Il était très impliqué dans la vie de sa commune et a exercé de nombreuses fonctions: agriculteur, trésorier de le régie communale des remontées mécaniques... En plus de tout cela, il ne manquait pas une occasion de passer saluer le personnel et surtout ne ratait aucun pot d'accueil où il poussait la chansonnette aux touristes... Claudette de l'Office du Tourisme, une amie de longue date se souvient de bons moments passés avec lui... "Il m'appelait " sa voisine " qui habite le petit Nice de Landry. Je lui rendais souvent visite et il me servait son excellent vin au serpolet et me racontait des histoires de l'ancien temps et moult anecdotes sur la création de Plan-Peisey... "; Donat était une " figure " de la vallée, il laisse un grand vide derrère lui.
" Arriévè " Donat!

© Office du Tourisme Peisey-Nancroix (2007)